“Les routes qui ne disent pas le pays de leur destination, sont les routes aimées.” René Char

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Les actus de 2006

Je trouve qu’il y a plein de choses intéressantes en ce moment !

Sarko semble bien décidé à jeter tous les gamins un peu basanés de l’école des blancs. Les pauvres d’en bas ont enfin compris qu’ils seront plus riches quand tous les étrangers en situation irrégulière seront virés du territoire. Delanoë se prépare à débarrasser les riverains des clodos qui, ingrats, ont gardé les tentes qu’on leur avait prêtées pour l’hiver. Ces salauds de SDF ont fait semblant de rien et se sont collés sur les berges de la Seine, c’est pas Paris Plage, c’est Pue la vase les flots. On parle moins d’EADS, fait trop chaud, j’espère que Gallois va pas taxer les pourliches à Forgeard, celui-ci ferait tâche sur les bords de Seine, en regardant les remous, les ressacs depuis son igloo en nylon !

Oury est mort, ça c’est de l’info qui va bien ! J’ai relevé des épithètes joufflues en forme d’épitaphe de la part de ceux qui n’ont pas peur des mots ; en vrac : Le continuateur de Capra, un génie de la pelloche, le vrai comique à la française, une profondeur qui étonne… J’en suis d’ailleurs le premier étonné.  J’ai éteint le poste quand je l’ai vu se galocher  avec un Belmondo mal rasé ; un peu de sexe ça va, mais ne mergiturons pas dans l’obscène ! Je vais vous dire : ça allait à peu près avec Bourvil et De Funès, parce que c’était eux ! Par la suite on ne voyait plus que la pantalonnade. Avec Bourvil, je donne tout Oury pour un Mocky ; avec De Funès, je donne le complément pour Ni vu ni connu d’ Yves Robert.

Reste qu’ils m’ont spammé la radio et la télé pendant deux jours avec le feu de la Morgand.

En plus de tout ça, il y a le tour. Incontournable, si je puis m’esprimer ainsi. J’apprécie assez médiocrement la rémoulade de pédales, même si, parfois, le suspense est respecté. Cette année, on devait assister à un combat plus ouvert puisque le yankee éteignoir ne figurait plus au générique, on s’apprêtait même à cocardiser un peu, à ressortir les kirikikis comme disent les hispanophones. Moi j’y suis allé d’un œil et d’une oreille distraits. Et voilà que mon mauvais esprit me remonte comme un rot aigre d’après boire. Celui qui vous vient suite aux excès de Gros Plant sur des huîtres douteuses. Y a un autre ricain qui s’appelle Floyd Landis, il était porte-coton du grand, du vrai et remarquable prodige, celui qui a réussi à se camer toutes ces dernières années, sans jamais se faire prendre, l’humoriste célèbre  Lance Armstrong : fucker mother, asshole and so so other jokes pour faire rire à la télé. Je suis sûr que s’il rencontre ZZ, il se prend le coup de boule du siècle !

Suivez bien les méandres de mon esprit morbide : Le Floyd était complètement effondré et près de sombrer dans les méandres du classement ; les journaux :

On le croyait fichu, disparu des avant-postes. Comme Menchov les jours précédents, il avait été rayé de la liste des prétendants. Il n’était plus apte à porter le maillot jaune sur les Champs Elysées. La vérité est que ceux qui l’avaient vu « cloué au goudron », la veille sur les rampes de La Toussuire, pouvaient difficilement imaginer le voir faire un numéro à l’occasion de la troisième étape alpestre. Et pourtant, l’Américain a surpris tout le monde. Floyd Landis s’est refait une santé, il a joué… et il a gagné. Mais ce qui est encore plus important, il s’est replacé dans la course à la victoire finale au lendemain de sa grave défaillance. Le leader de la formation Phonak a conclu une longue échappée, quasi en solitaire, pour franchir la ligne d’arrivée à Morzine avec plus de 5 minutes d’avance sur le second, Sastre. Une victoire qui permet « d’humaniser » en quelque sorte ce Tour, outrageusement dominé par Lance Armstrong ces dernières années. Aujourd’hui, Landis a prouvé qu’un grand leader peut connaître une incroyable défaillance et réaliser un grand numéro le lendemain.

Que s’est-il passé entre le mercredi couille molle et le jeudi bite en fer ? Où est-il allé puiser sa réserve de testostérone ?

Je vais vous le dire, il a peut-être surpris tout le monde, mais pas moi ; Lance était sur le tour ce fameux mercredi, il lui a refilé un kilo de perlimpinpin en douce et on se récupère un new champ tout neuf : le remplaçant qui portera la bannière étoilé sur son maillot yellow à Paname. God bless américa !

Sinon, ça va ! A part peut-être les libanais qui déconnent et les israéliens qui les aident à déconner. On a de bien belles images, comme celle des deux gamins morts sous les décombres ou cette jeunette toute mignonne dans l’uniforme de Tsahal, elle nous explique qu’elle a vingt ans et que si c’était possible elle préfèrerait ne pas mourir trop vite ! Ah ces gamins !

Albert , l’aigre solitaire

Ce que dit ma mère ou Dieu me punit

Répertoire des difficultés à vivre avec une personne âgée :

Egoïsme forcené

Ma mère est chez moi depuis deux semaines !

Ma mère chante de plus en plus régulièrement des choses qui remontent du fond des temps, quelques exemples :

L’araignée de désespoir s’est foutu quat’ coups d’rasoir

Les jouteurs y chantaient ça à Sète :

Elle … a cassé…

La baleine de son corsage

Elle… a cassé

La baleine de son corset !

Elle a cassé son parapluie

Tant pis pour elle

Elle a cassé son parapluie

Tant pis pour lui

C’est le père de Jean Vilarqui chantait ça, il était à moitié fêlé !

L’hirondelle est partie avec ces feuilles vertes

Ma maîtresse comme elle a quitté notre nid

L’oiseau ne chante plus

Ton père chantait ça, tu te souviens pas ? Je parie que tu l’as jamais entendue celle-là :

Elle se met à chanter une chanson sur un poème de Richepin, j’ai retrouvé le texte approximatif sur le web, un mec qui l’a transcrit à partir d’un disque de Damia  :

        
        Les deux ménétriers
      Sur les noirs chevaux sans mors,
      sans selle et sans étriers,
      par le royaume des morts
      vont deux blancs ménétriers.
     
      Ils vont un galop d'enfer,
      tout en raclant leurs crincrins
      avec des archets de fer,
      ayant des cheveux pour crins.
     
      
      Au fracas des durs sabots,
      au rire des violons,
      les morts sortent des tombeaux.
      Dansons et cabriolons!
     
      Et les trépassés joyeux
      suivent par bonds essouflants,
      avec une flamme aux yeux,
      rouge dans leurs crânes blancs. 
     
      Soudain les chevaux sans mors,
      sans selle et sans étriers
      font halte et voici qu'aux morts
      parlent les ménétriers.
     
      Le premier dit, d'une voix
      sonnant comme un tympanon:
      Voulez-vous vivre deux fois?
      Venez, la Vie est mon nom!
     
      Et tous, même les plus gueux
      qui de rien n'avaient joui,
      tous, dans un élan fougueux,
      les morts ont répondu: Oui! 
     
      Alors l'autre, d'une voix
      Qui soupirait comme un cor,
      leur dit: Pour vivre deux fois,
      il vous fait aimer encore, aimer encore.
     
      Allez donc. Aimez donc! Enlacez vous!
      Venez, venez, l'amour est mon nom. 
      Mais tous, même les plus fous,
      les morts ont répondu: non!
     
      Et leurs doigts décharnés,
      montrant leurs coeurs en lambeaux,
      avec des cris de damnés,
      sont rentrés dans leur tombeaux. 
     
      Et les blancs ménétriers
      Sur leurs chevaux noirs sans mors,
      Sans selle et sans étriers,
      Ont laissé dormir les morts.

Et celle-là ? Et la voilà qui entonne une des pièces majeures du répertoire du père, il avait une belle voix de baryton Martin –sic !- ne me demandez pas d’où sort ce fameux Martin :

Il était un fier paladin

Rêvant de gloire et de conquête

Qui  chevauchait lorsqu’en chemin

L’amour lui fit perdre la tête…

Et effectivement, il avait perdu la tête…

Voilà ! Et je m’en fous royalement !

Punaise ! quand je pense que je me mettais devant un cuvier plein de linge ! punaise ! c’est pas vrai !

Quand mon beau père venait à la maison : « Petite on vient ici pour bien manger ! » Ta grand-mère ne savait pas faire la cuisine, elle était même pas vexée !

A table que du vin !

Vous vous débrouillez entre vous !

Maria !( C’est ma compagne elle est brésilienne et patiente comme le fleuve Amazone) il a beaucoup de défauts, mais c’est mon fils il faut rien en dire !

Mes enfants faut pas me les toucher, le reste vous vous débrouillez ! Vous vous crêpez le chignon si vous voulez !

J’ai toute ma tête, j’aurais préféré… Tu peux pas comprendre, tu avais quatre ans…

Je m’en fous, ma vie est terminée !

Tu crois qu’elle est pas culottée, elle veut se coucher sur mes pieds ! A la chienne : Philippine ! Tu trouves pas que tu es un peu culottée de te coucher sur les pieds ? Voilà ! du coup elle est sortie !

Il me faut aller au petit coin avant d’aller me coucher !

Il me faut aller au petit coin ! Coin ! Coin !

Marie Rose, ne te fiche pas par terre !

1,2, et 3 Aie ! Aie ! Aie ! Mes aïeux !

..

Le melon ouh ! je peux pas en manger ! ça me fout la chi-yasse ! Comme disait la femme du docteur… en pleine épicerie, tu te rends compte ! Le melon ça me fout la chi-yasse

Cette soupe est excellente mais elle est trop chaude ! Tu vas pas m’engueuler si je la finis pas !

Allez j’arrête sinon je la garderai pas ! Ouh ! Seigneur, je vous l’offre !

A la chienne : Elle est trop chaude, je peux pas te la donner, elle est trop chaude ! Tu te brûlerais !

Tu m’autorises à me lever de table et aller me coucher ?…

Ouh ! Que je suis fatiguée, Maria !

T’es en plein courant d’air, tu vas chopper la crève ! J’éternue : Tu vois, andouille, t’es entrain de chopper la crève !

Bon ! Je fatigue pour rien autant que j’aille au lit !

Marie Rose tu te lèves et tu te casses pas le bus !

Oh mes aïeux ! Oh mes aïeux ! Oh mes aïeux !

Eh oui !

Allongée, elle tousse, ça l’énerve :

Merr..credi !

A propos de Maria :

Et d’où vient que tu l’as déracinée ?

Maria : C’est la vie Mamie !

Oh la vie, c’est ce qu’on veut bien… Si j’avais pas épousé son père !

Tu sais quand je me suis marié avec son père, y en avait trois qui me tournaient autour ! Y en avait un qui était employé de gare ! J’aurais été femme de fonctionnaire…

Moi, connement : Mais papa était bien fonctionnaire…

Elle, triomphalement : Pas au début, il était chez Lempereur-Lamouroux, aux Wagons-réservoirs…

Et tu sais quand on est arrivés à Bellegarde … à Sète on avait sept cent francs par mois…à Bellegarde on avait un peu plus mais c’était pas assez, alors il avait pris deux jardins…

Ouh ! quelle vie ! Si j’avais su je me serai suicidée…

On faisait même les cardons… Tu aimes ça ? C’est fameux les cardons à la mœlle !

Pourquoi je suis allée m’enticher d’un homme à l’autre bout de Sète, alors que j’habitais Impasse Parmentier…

Un jour sa mère est venue pour dire qu’il voulait partir à Madagascar… Je lui ai dit que mes parents ne me laisseraient pas partir…

Il a eu tort, il aurait fini chef de centre…

Bon je vais aller faire pipi…Marie Rose lève toi … Oh mes aïeux ! C’est pas facile quand on a bu !

Allez ! Ne me cherchez pas, je suis dans ma chambre !

Ah mes aïeux, mes aïeux !

Qui baisera ma femme quand je serai vieux ?

C’est ton père qui disait ça !

Le docteur Scheidt,  il était d’origine  allemande, je crois qu’il était quai de la Bordigue, à Sète, le docteur Scheidt …y a un quai qui porte son nom à Sète – c’est le quai de la Bordigue- la mère Boubat disait que c’était un nom russe… il avait perdu un bras à la guerre, il était manchot, mais pour soigner les gosses il était champion…c’était notre docteur… il avait dit à ma mère, si vous voulez qu’elle se porte bien, collez-là dans la rue ! A dix ans tu te rends compte !

A dix ans… Ils m’ont trouvé un jop, je travaillais sur le marché… Je foutais rien à l’école… A cette époque on t’obligeait pas, surtout que j’étais chez les sœurs…on t’obligeait pas… chez les demoiselles Portalet, si tu travaillais pas, on t’obligeait pas…

Oh ! qu’est-ce que je fais là Seigneur ?

Maria : C’est la vie , Mamie !

Non c’est pas la vie, c’est la merde !

Je parie que je suis tellement maigre que je perce le fauteuil !

Je fais rien là, je fatigue, je vais au lit !

Mamie elle va au lit, avis aux amateurs ! Avizozamateurs !

Ouhfff !!!

C’est un é pipi

C’est un épicier

Qui moud son caca

Qui moud son café

La fille de l’étama

La demoiselle Eva

Portait à domicile

Toutes ses ustensiles

Que son père étamait

Dans son p’tit atelier

Si ti

Malerote malerote

La casserole

Mama mia  Mama mia

Quel embarras

Malerote malerote

Qui la rote

Qui la rote

La paiera

Tu te rends compte que j’ai fait deux guerres et que j’ai failli en connaître une troisième…contre les arabes…

Moi : pour quatorze/dix-huit, tu dois pas te souvenir de grand-chose…

Malheureux, j’avais cinq ans, je faisais la queue pour un litre de pétrole !

Comme si c’était hier…

Pendant la guerre, y avait de tout à Sète, des italiens, des espagnols, même des annamites !

Mon père il avait pas…il était pas raciste… Nahon  il s’appelait son copain… Il avait plein de copains… Y avait des juifs qui étaient venus se réfugier à Sète, ils étaient poursuivis par les arabes –sic-. N’oublie pas qu’il y avait la caserne… Y avait des nègres, mon Dieu ils descendaient en criant

Je vais m’étendre comme une pèye, à Bellegarde dans l’Ain, ils disent la panosse, à Sète ils disent la pèye…je me demande… et ici comment ils disent ?…  la vassinque ?

Marie Rose si tu te lèves pas maintenant, tu te lèveras jamais… Pourquoi ils m’ont appelé Marie Rose ? Je me demande. Marie Rose je m’appelle, avec ça, je suis pas fauché…

Plus tard quand tu seras vieille tchi tchi

Tu diras prêtant l’oreille tchi tchi

Marie Rose si tu te lèves pas maintenant…

Ouh là ! ouh là ! Ca y est !

Je l’appelle ma p’tit’ chinoise

Ma tonkiki, ma tonkiki, ma tonkinoise…

La soupe chinoise, j’adore ça…

Ouh, j’ai même la flemme d’avaler,je peux plus l’engoulir, j’en ai marre ça me fatigue, té Louise !

Elle regarde Maria se servir de la salière…Qu’est-ce qu’elle sale, bon Dieu… Ouh ça me tue de manger !

Voilà j’ai fini mon potage, ne me demandez plus rien… Non, non, il vaut mieux que je garde mon potage que d’avoir envie de rejeter, après !

Quand j’ai accouché de Guy , pour me remettre, mon père avait acheté un appareil  avec des poignées pour faire du jus de viande… tu penses …quand il arrivait à me donner un peu de sang… parce qu’alors, Albert, tu les a pas connus, mais j’avais des parents comme ça !

Allez ! Marie Rose !… Non tu ne m’aides pas, sauf si tu entends badaboum !

Tu vas faire les jeux olympiques ? Maria a mis une sorte de maillot qu’elle voit pour la première fois et qu’elle a identifié comme sportif, qu’on ne me demande pas pourquoi !

Moi qui m’intéressais à tout…plus rien ne me dit… Si ! J’irais au lit,je dormirais toute la journée !

Qu’est-ce que c’est ce short ? On dirait un short de curé !

Ces oreillettes elles valent pas un pett !

Tu as des puces, tu te grattes, tu te grattes… La chienne, à ses pieds est très attentive à ses gestes et à ses mots : elle l’aide beaucoup à finir ce qu’elle ne veut plus manger !

Y te faudra lui regarder les oreilles, elle doit avoir un tic ! Hein ma rousse, tu as un tic-tic ? Pac ! le lapin ! Mais non ! Mamie elle peut pas te donner de la lasagne, cucul la praline !

Voulant visiter  l’Italie

J’débarque au pays du soleil

A peine arrivée je supplie

Une chambre ou je meurs de sommeil

Viva Mussolini,

C’est le plus grand homme

Qui vit à Rome

Ah s’il était ici

J’aurais une chambre même dans son lit !

Aussitôt le mari m’embrassa

Et me dit vous ne partirez pas

J’ai une chambre d’amis

Viva Mussolini

La toubib vient de passer, c’est une jeune femme rousse tout à fait charmante :

C’est une femme ou un homme ? C’est un homosexuel…Enfin…

Ils ( les médecins) s’installent avec presque rien, tout de suite ils ont un tas de clients et gagnent des mille et des cents… On y va pour un oui ou pour un non…ça devient maladif chez les malades !

7 heures un bruit, des cris, Maria gicle du plumard à fond la caisse, moi, j’essaye de sortir du coaltar où m’ont plongé le champagne et les divers nanans consommés pour les 96 ans de not’mèr’:

Maria ! Maria !

Ouh ! que j’ai mal ! Ouh ! mon Dieu ! Ouh ! que j’ai mal ! Ouh !Maria que j’ai mal !

Mon Dieu aidez-moi !

Elle est par terre, à côté du plumard, après reconstitution : elle s’est levée pour aller ducorps – pour ma mère, on va jamais chier, on va du corps –, en revenant de sa chaise spéciale, elle a loupé le pucier, ayant négligé d’allumer,  et du coup, elle s’est répandue dans la ruelle. Quelques contusions et un gros pain avec écorchures au coude droit.

Maria, je me suis engrunée ! Et toi ! fous-moi à l’hôpital !

A table, elle observe Maria avec acuité et ne cesse de disserter sur son appétit,  elle me prend à témoin, quête ma complicité ; je la lui accorde pour la reprendre immédiatement en mettant sa victime dans le coup. Elle proteste vivement de l’innocence de ses réflexions ! S’il y a faute, elle en rejette la responsabilité sur moi et mon mauvais esprit ! On se fend bien la gueule ! :

Dis donc, qu’est-ce qu’elle engoulit ! Faut pas l’avoir en pension ! Si moi je mange rien, elle, elle mange pour deux ! Et le piment ! Elle va avoir le feu au train ! C’est une carnassière ! Elle a un cul comme un rémouleur –sic- !

Je suppose qu’elle fait allusion à la position du repasseur de couteaux sur sa sellette qui était censée lui permettre de travailler confortablement ( ?) et qui devait finir par lui épanouir le prose. Voilà qui me paraît complètement injuste, Maria  est bien peu brésilienne du côté valseur ! Elle commence à se faire au vocabulaire de Mamie ça la fait marrer ; je n’interviens que pour traduire dans mon portugais bricolé les bribes qui lui échappent, elle se marre encore plus !

Y vaut mieux la tuer que la nourrir !

Ma mère commence à détester la toilette ! Il fait 25 dans la baraque, je transpire, on lui met le radiateur dans la salle d’eau, elle a froid ! Maria, hilare, a entrepris de la coller sous la douche et de lui laver les douilles.

Oh ! Maria ! Tu me secoues comme un prunier ! Oh ! Maria, j’ai froid ! Oh Maria !

Fins de parties: Vacances

Je me prépare aux grandes ; mon administration, qui n’a rien à envier à l’armée du capitaine Dreyfus, pense que je serai mieux à banéger dans un lagon comme un bon popaa, plutôt qu’a exercer les talents dont je me prévaux, sûrement à tort, au service d’élèves ingrats ! (et même ingrats doubles – en voilà une dont je ne saurais me priver !)

Donc, donc, donc…

Que faire de ma maison si je pars polynéser pour quelques années de retraite chichement gagnées ?

La vendre ? Oui, mais pour racheter ailleurs, moins cher et loin de ces méridionaux que j’exècre d’autant plus que je les connais bien, puisque j’en suis. Car, car, car,  j’aurai besoin d’un pied-à-terre quelconque dans cette métropole que tôt ou tard il me faudra rejoindre.

La louer ? Why not ? Mais pour l’été, ou les petits séjours en France, où irai-je ? Où nicherai-je ? Où gîterai-je ?

De plus, de plus, de plus, si je vends, ou si je loue, quid de mon mobilier ? Je ne puis envisager de louer dans mes meubles ; je ne supporterai pas qu’un paltoquet quelconque s’empare d’une de mes Série Noire, en arrache en partie le dos cartonné pour le retirer de sa rangée, et feuilletant le volume s’humecte les doigts de salive, puis plisse le papier martyr – c’est pourrir un peu !- entre l’index et le majeur ! Comme quelqu’un que normalement j’aime bien mais que j’ai haï le jour où je l’ai vu ainsi traiter mes incunables !

Je suis plus attaché à mes livres et à quelques vieilles carabines

 air de Taïaut, Taïaut !!!!

  • C’était un chasseu eu eur,
  • Tout rempli d’ardeu eu eur
  • Qui branlait sa piiineu
  • Dans sa carabiiiineu !
  • Taïaut ! taïaut !oooo !!!!!

 qu’à mes meubles proprement dits.

La phrase précédente est un peu tarabiscotée, c’est fait exprès ; je suis en froid avec ma version de Word qui se permet des remarques générales sur le style, qui ne laisse passer aucun néologisme et qui lutte contre l’anacoluthe ! Bref une de mes dernières raisons de vivre est celle-là : faire chier Microsoft office Word ; à mort !

Il y a bien le garde-meubles, mais il semblerait que les assurances ou la mauvaise foi des proprios aient inventé des règles nouvelles pour emmerder le monde : tu enfermes ton binz dans un container et tu ne l’ouvres que pour tout enlever. T’as pas droit au repentir, style : J’irai quand même bien chercher l’anorak de la gosse, ou bien : Putain on a enfermé les passeports dans la commode, faut faire ouvrir d’urgence ! On est à Ouagadougou dans une semaine !!!!  Tu peux faire ouvrir, c’est prévu, mais c’est payant !!!!! Et c’est cher mon cher !

On aura compris que tout cela m’emmerde et que ma décision a de fortes chances d’être de ne pas en prendre ! Avec le temps, avec le temps va

Raymond est mort

Je suis de ceux qui aiment assez le cinéma de J.L. Godard (Je sais, je sais, mais la question n’est pas là !), je tiens Pierrot le Fou pour un film important (Oui ! Je sais !! Merde à la fin !!!) mais le passage où Il est là, où Il raconte son histoire d’amour triste en mimant les caresses, c’est quelque chose d’unique, d’inoubliable ! Je suis reconnaissant à JLG d’avoir filmé Raymond Devos dans toute l’étendue de son génie comme je le suis à Truffaut d’avoir montré Bobby Lapointe en 1960 dans Tirez sur le pianiste ; ces gens ne m’ont jamais quitté.

Devos, je le retrouvais toujours avec plaisir, aux hasards des télés, du cinoche, il me faisait parfois bien rire, mais le plus souvent, sa légèreté clean, son souci de la bienséance me ravissait et me changeait un peu de Fernand Raynaud ou de Pierre Doris. On ne riait pas gras avec lui, on ne s’esclaffait guère; il ne balançait pas comme on dit connement dans nos télés pourries par les fogielardissonruquiereries ; il ne s’occupait pas des tares de ses contemporains, mais abordait les défauts de l’Homme, les siens, avec une cocasserie et une invention uniques. On l’a fait parler sur Coluche, il était vraiment coupé en deux : d’un côté admiratif pour un talent indiscutable, de l’autre carrément navré qu’il se gaspille en pantalonnades ou en grasses conneries. La plume dans le cul chez Devos, ça restait en travers ! C’était une sorte d’anti- Bigard.

Encore un qui vient se ranger dans la boîte avec Ferré, Brassens, Brel… Comme disait Alphonse Allais, en soupirant :  Plus ça ira moins on rencontrera de gens qui ont fait la guerre de 70 !

Coupe du monde

Voilà revenue l’époque où le pastis coule en flots épais et où l’on entend des jugements autorisés et définitifs sur les mérites respectifs de Zizou et de Ronaldhino. Tout cela m’emmerde assez passionnément ; pourtant, comme j’aimerais retrouver un peu de mon enthousiasme d’antan devant mon écran ! Oublier les hooligans, le fric, le racisme et le chauvinisme exacerbés qui accompagnent le foot depuis des années. Et la connerie surtout ! La belle et suifeuse connerie qui fait parler les Thierry Roland, cracher les Barthez, et anime la foule.

J’ai quand même bien rigolé dans le match de préparation contre ces chinois bizarres. Un de nos gaillards qui se pète une guibolle en direct, ouille !ouille ! ouille ! L’icône Zidane qui glisse et manque son penalty ! Aille !aille !aille ! Et ce pauvre fils de l’Empire du Milieux qui trompe son propre gardien et se marque un but imparable ! Par Confucius ! Je suis tombé du fauteuil ! Ce mec va finir crucifié sur la place Tien An Men !

Pourquoi bizarres ces chinois ? C’est pas de vrais footballeurs ! On ne les voit jamais cracher, gueuler contre une décision de l’arbitre, on ne les entend pas s’enguirlander ou se féliciter bruyamment, jamais on ne les surprend à se vautrer de joie les uns sur les autres, comme gorets lubriques, ou à plonger les deux mains dans leurs flottants pour remettre les choses à leur place !

 Qu’est-ce que c’est que ces mecs ?

Sinon, autour des stades, il est quand même plaisant de comparer la liesse brésilienne, la fiesta sud américaine, colorée et joyeuse, avec la rage haineuse des supporters des équipes européennes. Comme dirait les commentateurs, ça en dit long sur tout ça. J’t’en caus’ pas !

Le petit supporter

Tintin au Japon

J’ai passé quatre ou cinq jours à Narita, aéroport de Tokyo, je sais tout sur le Japon ! Je vais vous en faire profiter généreusement. Oubliez Roland Barthes et sa sémiologie nombrilesque et fallacieuse, suivez plutôt votl’ selviteul !

On croit que les manifestations de courtoisie nipponnes relèvent de la caricature et du film de genre ; et bien pas du tout, c’est courbettes et visages éclairés à tous les coups et de façons répétées jusqu’à la saccade ! Mimétisme ou désir d’être aussi civil que possible, j’ai tendance à imiter la chose et vas-y que je me fends et me penche en rythme associé à celui de mes interlocuteurs ; je dois avoir l’air particulièrement nœud, mais personne n’éclate de rire.

Au Japon, il faut une grande souplesse d‘échine et des muscles faciaux à l’abri de la tétanisation : dans les échanges d’amabilités, je me suis courbé tant de fois en élargissant un beau sourire crispé qu’il me reste de la raideur dans les mâchoires et dans les lombaires. Il n’y a pas que les chinois qui sont polis ! Première leçon nippone, donc, si t’es courtois, t’es souple !

Incise remarquable par ses dimensions inusitées :

Chacun devrait savoir que, d’après la loi de Boyle, à température constante, le volume d’un gaz varie en proportion inverse de la pression et que donc, dans les transports aériens, l’expansion des gaz intestinaux est cause de flatulence chez le sujet sain et de douleurs plus nettes chez les sujets aux antécédents de chirurgie abdominale majeure. Il est conseillé de limiter féculents et boissons gazeuses avant et pendant le vol. J’ai pompé ça dans un manuel de médecine aéronautique, assez bien informé. En clair ça veut dire que dans un 747 ou dans un Airbus, ça pète à mort et que le sourire distingué de certains personnel navigant n’est pas dû à une formation spéciale mais cherche à masquer un ballonnement irrépressible et parfois douloureux qui leur fait regretter d’avoir repris du chili et de l’avoir arrosé d’une San Pellegrino riche en bulles. Moi qui vous parle et qui suis naturellement sujet à la fermentation tripale – rien à voir avec les hélices-, je descends des avions dans un état de boursouflure tout à fait remarquable et je ne redeviens présentable que dans un délai d’une heure ou deux, après avoir dégazé comme un méthanier incivil.

Retour au Japon ; le lendemain de mon arrivée:

C’est la fin de la matinée, je suis dans Narita où je flâne et me perds – j’ai repris un boulevard dans le mauvais sens et pratiquement atteint les limites de l’agglomération avant d’être détrompé par une jeune femme charmante et aussi douée en anglais que moi- ; c’est une ville pleine de maisons et d’immeubles –original !-, de magasins et de snacks-street-foods-restos-cafés, de boutiques de vieux, de neuf et de deux roues, de supers marchés bien fournis en marchandises et achalandés un max, tout peinturlurés avec des idéogrammes partout, doublés souvent en anglais, on s’y croirait ! Je passe une heure à feuilleter des mangas dans un books-store comme disent les japonais, y en a pour tous les goûts et tous les âges, du pulp pour minots jusqu’à l’hentaï –cul- hyper-spécialisé : hommes avec femmes, femmes entre elles, hommes entre eux, bondage, sado-maso, collégiennes, limites pédophiles, à fond gérontophiles, trav-trans, j’ai pas cherché plus avant, jusqu’au nécro ou bestio, vomito ou snuff, mais je suis sûr que ça existe : chacun sa collec. J’en sort ébloui et édifié !

            J’ai retrouvé le contrôle de mes colon et grêle et un appétit de bon aloi me rappelle qu’il est l’heure sustentatoire. La veille, à l’hôtel, je me suis absolument régalé d’un repas tellement raffiné qu’il m’est impossible de vous dire ce qu’il y avait dans mon bol et qui résistait à mes coups de baguettes malhabiles. Aujourd’hui, je me sens d’humeur prolétaire et bien décidé à tâter de ce que mange le naritais de base.

Je repère très vite un piège convenable et idoine à s’essayer au rata local. On n’y parle guère l’anglais mais mes gestes sont suffisamment explicites pour que je me trouve rapidement confronté à un plat de riz fumant accompagné d’un ragoût de porc tout à fait roboratif et goûteux. J’ai pris le coup avec les baguettes : en rapprochant le bol de la bouche, on arrive à enfourner de façon productive sans trop se maculer le jabot et la barboteuse. La bière est parfaite là-dessus, la viande à des arrières goûts un peu surprenants mais très flatteurs quand même.

Le soir venu, je m’en souviendrai ! En 24 heures, je serai passé du météorisme abdominal à une détresse intestinale visqueuse et abominable ! Directement du charbon actif à l’Imodium ! Du ballonnement à la courante !  Je ne sais pas comment on dit tourista en japonais, mais c’est ça en plein. Une diète absolue s’impose,  j’ai le feuillet et la caillette qui appellent à la grève, le rumen au black-out !

Deuxième leçon de japonais : il vaut mieux des sushis de riche qu’un brouet de pauvre.

La porcelaine si fine des petites tasses de thé :

De la salle de restaurant de l’hôtel la vue donne dans un jardin en tous points comme on peut l’imaginer : arbustes, pelouse, sous le petit pont de bois en arc de cercle, un frais ruisseau qui cascade et caracole jusqu’au plan d’eau peuplé de canards et de carpes coïs énormes et multicolores qui fusent entre les lotus et les algues en quémandant le pain que jettent les gamins en kimonos, socquettes et godasses en bois. Sic, sic, sic et resic ! On s’y croirait plus, on y est !

La chambre est, bien entendu, petite et très confortable, la salle de bain est équipée de toilettes avec bidet intégré, douchette rectale automatique, brumisateur à joufflu et tout ce qui faut pour se débarrasser des grelots ! On oublie vite les désagréments de la débâcle intestinale avec un tel attirail ! On y va pour le plaisir pas forcément par nécessité pressante ! Je suis sûr que si on a des mœurs, méfiance, l’épectase n’est pas loin !

A la télé, trois ou quatre chaînes japonaises, CNN, la BBC, une de golf, deux de cinéma et deux pour adultes… Je vous sens intéressés, alors je raconte.

Cela ressemble bougrement à du porno bien de chez nous, avec une teinture un peu spéciale. On s’y broute, s’y felle, s’y indexe, s’y annule et s’y pouce comme partout ailleurs. On s’y enfourche, s’y fourgonne, s’y égare, s’y dilate et s’y rétracte tout pareil. Feulements, cris aigus, halètements et grognements bestiaux identiques à ceux que tu perçois ou émets quotidiennement ; enfin je te le souhaite. Quelques différences : tous les acteurs/trices ne sont pas jeunes, beaux et minces. Une grosse un peu passée, un petit sexagénaire ventru barbu peuvent figurer au générique ! Dieu quel beau pays ! Beaucoup d’attirance pour la jupette à carreaux, les socquettes blanches, les nattes, l’allure empruntée et ingénue, les grands yeux innocents et mangaesques; je ne sais pas comment elles se démerdent pour pratiquer la turlute avec autant d’application tout en gardant cet air réservé et timide, presque pudibond ! Quelques spécialités marquantes :

— Une brutalité presque permanente ; le pince mi et le cogne moi, la poignée de cheveux a demi arrachée, le coup de rein hargneux, la pénétration rugueuse, le doigt dans la bouche et qui tire sur la joue, la pseudo strangulation et le quasi étouffement, la corde qui rentre dans les chairs… Gémissements de douleur à la mode ouille c’est bon !

— Une fascination pour le trash ; on s’échange des produits de mastication, œufs durs, yaourt, légumes et fruits divers qui passent de bouche en bouche, gorgés de salive, régurgités avec ravissement, réingérés dans l’extase –s’cusez faut queuj’ gerbe !-. On s’enduit beaucoup : huile, miel, yaourt, confiture ; urps !

— Dernier point et non des moindres, l’essentiel est flouté. Pas un bout de bédiglas, pas une once de patanette qui ne soient couverts d’une mosaïque plus ou moins masquante. L’effet est étrange, esthétiquement surprenant : on s’oblige à recomposer l’image, c’en est presque plus troublant que nos crudités bidochardes. Selon le plan, plus ou moins rapproché, et la finesse de la mosaïque, le masquage relève de façon plus efficace l’effet pornographique, on accentue l’effort pour mieux voir, on passe du rôle de voyeur à celui plus rimbaldien de voyant ! Bordel ! Que celui qui n’a jamais découvert une béance et une érection derrière un Mondrian fasse le voyage !

Troisième et dernière leçon : Tout ce que tu vois à la télé et au cinoche sur l’empire du soleil levant est vrai ! L’empire des signes, mon cul ! Farceur de Barthes !

Carte postale polynésienne

Une fois de plus, je le constate, le stéréotype résiste et occupe tout le terrain : comme pour le Japon. Tu vois les photos : les cocotiers, le lagon bleu, vert-huître, la vahiné vanillinée, la pirogue à balancier, les poiscailles multicolores, les fruits, les fleurs, les feuilles et les branches, les colliers de tiarés… Tout ça c’est vrai, c’est comme dans le livre, t’as même pas besoin d’y aller !

Bibi Fricotintin

Guyane rêvée, Guyane réelle

La télévision française découvre la Guyane. Ce lieu très fantasmé – enfer vert, serpents, mygales, paludisme, carnaval, travelos en string et véroles diverses…-, fait l’objet d’une véritable fascination- répulsion pour la plupart des gens. Et d’un paquet d’émissions plus ou moins honnêtement documentées. Légèrement bidonnées sur les chaînes ordinaires, plus froidement scientifiques sur la 5 ou Arte. Le choix entre les touloulous comme si t’y étais et le détail sur ce diptère unique au monde qui vit dans la canopée. Comme j’ ai passé deux années agitées de mon existence, en ce lieu abandonné de Jéhovah,  je ne vois pas pourquoi je me gênerais pour en parler savamment et hasarder des choses définitives. M’en va t’dir’ c’qu’cest qu’la Guiiiyan’ !

L’essentiel des gens qui y vivent connaissent Cayenne et c’est tout. Quelques aventuriers ont poussé jusqu’à Kourou, Saint-Laurent ou Saint-Georges, mais n’ont jamais foutu les pieds dans la forêt qui fait l’essentiel du paysage. Dans le meilleur des cas on s’offre le frisson d’un week-end au carbet : on fait quatre kilomètres sur le fleuve, on passe deux nuits sous un toit ouvert, rustique et vermoulu, on bouffe, on picole en chantant Youkaïdi et on retourne à la clim pour une dure semaine de labeur

Je caricature ? Renseignez-vous !

Et puis il y a l’espèce rare : le vrai de vrai, le pur et dur. Le mec qui considère que son congé est gaspillé s’il n’a pas marché pendant des jours en suivant un layon étroit et mal fréquenté, s’il s’est pas fait sucer par des escadrons de moustiques et pomper à fond par les sangsues géantes, s’il a pas passé sa semaine loin de tout en bouffant du lyophilisé, en somnolant vaguement dans un hamac entre deux arbres, s’il a pas évité sa demi-douzaine de najas, mambas, vipères, bien mortels et chafouins, rencontré un anaconda, une anguille électrique, deux ou trois caïmans et entendu toute une nuit feuler le léopard implacable. Il aime souffrir et avoir les molettes. Il adore approcher les sites d’orpaillage et risquer de ramasser un coup de douze mono canon et brésilien. Des comme ça j’en ai vu plein en Afrique, je les ai retrouvés pareils en Guyane. Ils sont de la même espèce que les navigateurs solitaires blasés, ou les alpinistes collectionneurs de 8000m, leur Makalu ou leurs 40èmes rugissants, c’est la forêt primaire et le mont Tumuc Humac, celui où j’ai posé mon hamac pour  chercher l’oiseau qui fait Tchac-tchac, car il m’a piqué mon tabac – praïveut’ djoque !

Je parlerai pour les autres, ceux qui ne cherchent pas forcément les emmerdes sans fuir à tous prix un peu de risque calculé, qui apprécient modérément la souffrance et pensent que l’effort physique, ça va un moment mais faut pas que ça dure, qui préfèrent manger des choses ordinaires et bonnes plutôt que de survivre aux rations, qui apprécient un lieu dans ce qu’ils y trouvent et non dans les difficultés rencontrées pour l’atteindre. Qui aiment les longues descentes en pirogue, les passages de sauts acrobatiques et la paix reposante des villages indiens. Les gens à peu près normaux ; comme moi par exemple.

Je regarde ce documentaire sur la 3, je vais vous dire comment je vois les choses :

L’ensablé. Le petit blanc d’origine polonaise qui vit avec une brésilienne et qui tient une épicerie à Saint Elie est visé avec précision ; c’est le vrai profiteur qui prospère sur la misère des clandestinos : il se fait payer en or, dix fois le prix, les marchandises qu’il achète en contrebande à Oyapoque, sur la rive brésilienne du fleuve, presque en face de Saint-georges. Il remplit plusieurs pirogues de riz, bière, alcool, cigarettes, conserves, droguerie, petit matériel pour l’orpaillage ; tout cela est déchargé et rechargé sur un Unimog qui date des années cinquante, par une main d’œuvre à trois sous : tu te syndiques peu quand tu sais qu’un signe du patron suffit à te renvoyer dans ta favela pour y survivre à peine. Regardez le trajet qui va du fleuve à Saint Elie : notre héros est vautré sur sa marchandise dans un Hi-Lux hors d’âge qui se traîne sur une piste épouvantable. On se plante dans la boue, on fait du 4 kms/heure de moyenne. Il reste juché sur son pick-up, le cul sur les sacs de riz, pendant que ses employés s’escriment à sortir le 4X4 de cette boue collante et épaisse. Plus tard il nous fera le coup de l’aventurier qui risque sa vie tous les jours, il exhibera même un pistolet d’alarme, seule arme en sa possession dit-il ; mon cul ! comme disait Zazie.

Plusieurs remarques ; des petits blancs ensablés, il y en a plein en Guyane. Dans le meilleur des cas, ce sont des semi clochards pochtrons qui se font le foie à la Heinneken ou à la cachaça, 50° pur jus de cannes. Dans le pire, comme ici, ce sont des minis aventuriers qui vivent comme des tiques sur le dos des orpailleurs et des clandestins divers qui les accompagnent. Je suis sûr que ce personnage est armé jusqu’aux dents, pétards brésiliens –Taurus ou Rossi- et calibre douze avec chevrotines qu’il doit vendre dans son épicerie ; il est prêt à tirer sur tout ce qui bouge. En fait il prend très peu de risques, les garimpeiros se battent surtout entre eux et saignent rarement les français d’origine métropolitaine.

Les argousins. Les flics, maintenant. J’ai pu observer leur boulot de près à Maripasoula. Ce qu’on voit faire aux gendarmes dans le film correspond bien à ce que j’en sais. Ils ne lâchent jamais le morceau mais ils sont obligés de respecter les priorités. Pour une intervention Anaconda, avec hélicos, fusils à pompe, FM, pots thermiques pour cramer les moteurs d’aspirateurs de boues e tutti quanti, des dizaines d’hélitreuillages en pleine forêt pour travailler sur des meurtres ou des vols. Ils peuvent partir pendant des jours pour faire une enquête au milieu de nulle part et interroger des clandestins plutôt rétifs dans leurs réponses. Ils déterrent les cadavres pour les constatations d’usage, comme il n’y a rien pour les transporter ou les conserver, ils les (r)ensevelissent à l’endroit même où ils les ont trouvés. Obligés de gagner la confiance des gens, ils ferment les yeux sur les sites qu’ils découvrent – ils ne ferment pas le GPS qui permet de les localiser pour un retour plus offensif !- . Ils logent dans les bordels et mangent dans les restos de fortune. Ils ne demandent pas les papiers des filles ou du mac, ils ne vérifient pas si la bouffe est passée par la douane. Ils vivent avec ces gens et ils ont le temps de s’apercevoir que ça n’est une vie enviable pour personne. On finit par les renseigner pour cela, justement. Parce que nos gendarmes sont polis et compréhensifs –si ! si !- ; dans le pays voisin, les forces de l’ordre qui découvrent un placer clandestin, ne s’embarrassent guère de formalités : elles tirent dans le tas ; on aura toujours le temps d’interroger les blessés avant de les achever.

Garimpeiros. Qui sont les gens qui apparaissent dans le documentaire ? Les orpailleurs? Tous les brésiliens pauvres –pléonasme presque parfait : au Brésil, pays plein de ressources, seule une très petite partie de la population jouit d’une richesse inimaginable, le reste crève de faim et se déchire pour glaner les lambeaux du pactole ; 300 000 assassinats par an-.

Il ne se construit guère de maison en Guyane sans que des brésiliens, avec ou sans papiers, n’animent le chantier ; ils restent à peu près les seuls à bosser dans ce domaine. Ce sont des travailleurs étonnants, habiles et infatigables. Le travail est si rare et si mal rétribué au Brésil que n’importe quel emploi en Guyane est regardé comme un cadeau du ciel, quelles que soit sa dignité ou la peine qu’il engendre.

Le rêve de l’or est des plus vivaces dans cette région, la Guyane-Eldorado attire de plus en plus de gens du nordeste, bien décidés à devenir riches, vite et à n’importe quel prix. On passe la frontière en douce, les pirogues peuvent accoster partout sur des centaines de kilomètres, on marche sans vivres pendant trois ou quatre jours dans une forêt pas très accueillante ; arrivé sur place, on est nourri et on trouve du boulot immédiatement : on extrait l’or ; si on est une femme on peut le faire aussi, ou bien faire la cuisine, ou bien se prostituer. A Cayenne, une pute se fait entre 20 et 40 € la passe, à Maripasoula, les hommes arrivent à négocier la chose pour 10€, mais en pleine forêt, où la concurrence est faible, c’est 10 ou 15 grammes d’or, soit 80 à 120€. Quand elle a payé sa chambre à l’hôtelier une bonne gagneuse peut arriver à 4 ou 500€ pour un week-end. Une institutrice brésilienne gagne 90€ par mois.

Je voudrais redresser une thèse qui transparaît dans le docu ; les gendarmes de Saint-Georges ont serré un pauvre bougre qui a eu la malencontreuse idée d’être sur la route au moment où ils passaient. Pas de bol. On va entendre le discours prédigéré du brigadier bonne conscience qui empêche de partir les richesses de la France vers l’étranger. Ils lui ont piqué les 4000€ qu’il avait sur lui. « Ouais ! Il dit qu’il a travaillé 8 mois pour gagner ça, vous vous rendez compte, même en métropole y a pas beaucoup de gens qui peuvent économiser ça en si peu de temps ! » J’explique : un orpailleur en bossant du lever du jour jusqu’au coucher du soleil, arrive à peu près à faire entre 100 et 200 grs d’or par mois, s’il a du pot. Quand il a payé le proprio du moteur, la bouffe, les médicaments, la cuisinière, le plumard garni ou le hamac et assuré ses frais divers, il lui reste 50 à 100 grs. 400 à 800€. En huit mois d’un travail de bagnard, climat et paludisme compris, en se payant le strict minimum, ramener 4000€, ça n’a rien de scandaleux. Ce pécule va rejoindre, dans la boîte à munitions réglementaire enfermée dans le coffre, le fric, la poudre d’or et les pépites qui vont enrichir notre beau pays. A tout péter, 50 ou 60 000€ !

Qui veut gagner des millions sur le dos des crève-la –faim ?

La Guyane va continuer à accueillir des milliers de brésiliens ; si on leur permet d’oeuvrer dans le bâtiment et dans les services, ils préfèreront rester en ville, avoir un toit et des conditions de vie convenables plutôt que d’aller risquer leur peau –une trentaine de morts violentes l’an passé- ou leur santé – le falciparum prospère en ces lieux- dans la boue et les vapeurs de mercure, avec l’angoisse permanente de voir surgir les hélicos et les commandos Anaconda et de paumer d’un seul coup les ronds qu’ils ont eu tant de mal à amasser. Ce qu’on ne voit pas apparaître dans le documentaire, ce sont les marches harassantes par 35° et 95% d’humidité, chargés comme des mules. Les gros bourrins de quatre ou six cylindres avec les tuyaux et les réservoirs, les corps de pompe en fonte, et tout l’attirail qui va avec, tout ça n’est pas né sur place : entre le dépôt au bord du fleuve et le site d’orpaillage, c’est à la main et à dos d’homme que c’est venu. Dans le meilleur des cas, quand il y en a, les 4X4 doivent être chargés et déchargés à chaque passage difficile. C’est épuisant et répétitif, c’est particulièrement pénible quand on travaille pour soi ; quand c’est pour un patron… Ce qui me minerait( !) le plus moi qui vous cause à c’t’heure, c’est le monstre délicat de Baudelaire, l’ennui, vous imaginez mal à quel point on peut se faire chier sous les grands arbres !

Le blanc marron

Comment peut-on aimer Houellebecq ?

Voilà bien longtemps que je ne lis plus les romans qui sortent et je crois que mon dernier Goncourt date de 1961, La pitié de Dieu, Jean Cau – en trois lettres comme disait Janson !-. C’était vraiment pitié que de lire cette pauvre chose commise par un secrétaire félon de JP. Sartre ! Je remercie ce Cau-là qui m’a guéri des Goncourt et des prix littéraires en général.

 Je lis et relis de la poésie, des classiques et des romans policiers. Mes dernières grandes émotions de lecture s’appellent Bukowski et l’ovni Fritz Zorn, Mars en 1979, chef d’œuvre de malheur et de solitude. J’ai appris à mes dépens à me protéger des livres qui me tombent des mains, je sais maintenant ce que je n’aime pas lire, donc ce que je ne lirai pas.

Depuis quelques temps les journaux et les émissions télé-mode – les ardissoneries diverses et leurs clones- sont pleins d’articles enthousiastes sur la naissance d’un grand écrivain, enfin ! Une révolution dans la littérature – comme si cette chose existait encore !-. 

Moi, bien à l’abri de tout ça je continue à me repaître de Connelly et de Mankell sans rien demander à personne.

Seulement voilà, j’ai des amis et des parents qui lisent et qui en parlent, on me sert donc le couplet : comment tu peux dire que c’est nul avant d’avoir lu ? Précautionneux, j’avais risqué la lecture de quelques poèmes de MH ; il en avait même attrapé le prix de Flore pour un recueil dont j’ai oublié le nom. Ma consternation fut à la hauteur de mon attente, les platitudes le disputaient aux vers de mirliton et aux provocs faciles. J’avais déjà de quoi argumenter. J’étais loin de me douter que j’avais mangé mon pain blanc.

Sort La possibilité d’une île ; je me dis que si je trouve le titre un peu stupide, c’est que je ne suis pas objectif et qu’il faut peut-être céder aux demandes et dire ce qu’on en  pense. Grand Dieu ! Je me suis fait prêter les deux premiers romans du maître.

Je vais oublier mes humanités et mes facultés d’analyse, je vais simplement réagir et dire ce que j’en pense :

Quel que soit l’écrivain, j’ai besoin d’entrer en résonance avec lui ; MH m’est extrêmement désagréable et ennuyeux à lire, pour tout dire, il m’emmerde ! Ses messages sont écrits à l’encre antipathique !

Je n’aime pas son style à la fois plat et maniéré, la pauvreté de son vocabulaire courant au profit de la cuistrerie de son vocabulaire savant !

Je n’aime pas ses tricheries : il invente sans humour sur des techniques qu’il ignore, il y a un moulinet de pêche totalement invraisemblable dans Extension… Frédéric Dard nous aurait fait marrer avec un appareil improbable, lui c’est pas drôle. Je me souviens de la description admirable du premier révolver arrivé en France au début des Travailleurs de la mer,  pareil pour le passage qui détaille la machine de la mine et son fonctionnement dans Germinal. Relire Hugo et Zola !

Je n’ai pas envie de comprendre ses théories sur l’avenir de l’humanité et sur le clonage. Tous ces passages sont profondément ennuyeux. Les dissertations sur le bouleversement métaphysique et sur la crise ontologique que nous traversons sont fumeuses et, pour moi, au moins, d’une obscurité suspecte : je le soupçonne une fois de plus de parler savamment de choses qu’il ignore.

Je me fous éperdument de son amertume sur la disparition de l’amour et sur la duplicité de l’âme humaine. C’est de la soupe pour Harlequin,  de la réflexion de midinette sinistre sous Prozac.

Il est inacceptable de s’abriter derrière les personnages de ses fictions pour se dédouaner de déclarations sulfureuses : c’est bien MH qui pense que les femmes sont toutes des salopes et que l’islamisme est la plus con et la plus nuisible de toutes les religions – ce qui entre nous pourrait signifier qu’il en est d’intelligentes et d’inoffensives-.

Que ses fonctions organiques le trahissent à 40 ans, je m’en tape.

Chez lui, la chair est vraiment triste et il n’a pas lu tous les livres, sinon il saurait que l’érotisme dans ses plus belles expressions exige de l’imagination, du lexique et une liberté de pensée qui est vraiment subversive – voir Sade ou, par exemple, (Le con d’) Irène, peut-être une des meilleures proses de Louis Aragon. Toutes les scènes des Particules… quidécrivent le sexe sont indignes des pires bouquins de gare, au point d’être refusées par l’éditeur spécialisé de la collection Aphrodite , ce qui se fait de plus nul dans ce domaine. Je trouve dans le Petit Robert un article me qui fait plus d’effet que toutes les tartines mal foutues –sic- de cet ouvrage calamiteux :  Aisselles, n.f.  … » Lorsque Nana levait les bras, on apercevait les poils d’or de ses aisselles » Vous voyez bien qu’il faut lire Zola !

Dernier point : le récit. Quand on vise le Goncourt, il est quand même mieux de prouver qu’on sait raconter une histoire ou au moins qu’on est capable de dépasser le récit en montrant qu’on en possède à fond la technique. Je suis comme La Fontaine, j’aime qu’on me raconte des histoires :

Si Peau d’Ane m’était conté,
            J’y prendrais un plaisir extrême.
Le monde est vieux, dit-on: je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant
.

MH ne sait pas mener un récit, il y a chez lui un manque de maîtrise, de la maladresse, au point où on se désintéresse complètement de ce qui peut arriver à son héros. J’ai relevé de mémoire, vers la fin des Particules… un passage où il dit, en substance : « ils l’ignoraient, mais c’était la dernière fois qu’ils devaient se voir » Voilà de la littérature de patronage !

Maintenant renversons les rôles : je suis un zélateur du prophète MH et je dis que Douton n’a rien compris, qu’il faut prendre tout ça au deuxième degré, que le récit, le style, on s’en moque, que cet écrivain est bien dans son temps, qu’il nous met devant nos vrais problèmes, qu’il nous parle vraiment de ce qui nous intéresse, qu’il décrit précisément la crise de la quarantaine et le mal du siècle.

D’accord, rien à répondre à tout ça. Si on se retrouve dans ces textes, pourquoi pas, chacun ses goûts etc… Rien à dire. Le nombril MH est apparemment plus intéressant que les gamins des banlieues, l’avènement du prince Sarkozy,  les 300 000 cadavres du Libéria en 15 ans, le tsunami et les inondations du Pakistan, le réchauffement de la planète et la multiplication des tempêtes et ouragans du siècle.

Dans le fond je n’ai pas la chance d’aimer Houellebecq.

A.DOUTON                                         Monteils le 25/11/2005

Ben Laden à Alès, Al Quaïda dans le Gard

Pourtant je m’étais bien promis de ne jamais perdre de vue que j’étais dans le Gard.

Mon voyage à Papeete est programmé depuis des mois, j’ai envie d’y aller et on m’y attend, semble-t-il, avec impatience. Il y a une escale aux Zétats Zunis. Notre époque étant ce qu ‘elle est et Bush tel qu’en lui-même l’éternité n’a aucune chance de le changer, nos amis américains ont décidé d’adapter les règles d’attribution de visas de séjour pour visiter leur beau pays. On renforce, on contrôle plus sec, on repère le suspect, on refoule le suppôt et le zélateur.

            Jusqu’à peu, donc naguère, un français jovial et rubicond comme mézigues pouvait fouler le sol où Lafayette s’est illustré, sans nécessiter autre chose qu’un passeport ordinaire. Mais voilà que cela se gâte : jusqu’au 26 octobre 2005, les nouveaux passeports à lecture optique, dits Delphine, suffisaient pour descendre sur le tarmac sacré. Depuis il faut, soit un passeport biométrique, soit un visa. L’ambiguïté, c’est que les gens qui ont un Delphine délivré avant le 26/10/2005 continuent à jouir de l’exemption de visa ; mon Delphine à moi est plus frais, donc : visa ! Si vous n’avez pas compris, vous relisez lentement, je ne répèterai pas. J’aime ces situations délicates dont seuls les grands prédateurs des steppes modernes se sortent sans difficulté.

            J’ai fait la démarche très à l’avance ; j’ai demandé à la dame de ma mairie de mon village du Gard de demander à la dame de la Préfecture de mon département du Gard si ce passeport du Gard suffirait pour aller aux US ou bien s’il fallait que j’implore un visa. Ouiiii ! Allez-yyyyy  pas de souci, il est boooon, il suffiiiiit, roule Albeeeeert! J’ai bien fait répéter puis j’ai oublié la chose considérant que j’étais en règle pour Uncle Sam. Et ben ouiche ! Point du tout. Mis en alerte par les médias et par Marc, j’ai voulu faire une vérification ultime. J’ai donc surfé comme un diable et j’ai dû me rendre à l’évidence : je l’avais dans le bab’s ! Dans le meilleur des cas, il faut, en allant faire la queue au consulat parisien, plus de trois mois pour avoir le saint seing et je ne suis pas sûr qu’ils ne me prendront pas pour un dangereux séditieux qui s’exporte pour nuire. Auquel cas, c’est écrit sur le site : ils te donnent pas le papelard et ils te rendent pas le fric ! Si tu leur téléphones, ça commence par une ponction de 14€50 sur ta Mastercard, pour qu’ils te disent que le mieux, c’est quand même de se déplacer. Pour une heure à poireauter dans LAX – c’est pas un produit anti-constipation, c’est l’aéroport de Los Angeles – cette chose est bien rude !

            Le plus terrible c’est de lire les conseils de notre ministère dousteux-blasique sur le comportement à adopter avec nos amis yankees : en gros, ne pas être agressif – on comprend !-, ne pas montrer de nervosité suspecte, ce qui me paraît beaucoup plus difficile ; surtout, pas d’humour ni d’ironie à l’égard des mesures prises, là c’est le gnouf assuré ! Et t’as du bol si t’en prends pas plein la gueule ! On a vraiment envie de visiter les States !

            C’est vrai que depuis 2001 ils ont été secoués rudement, mais il me semblait qu’on leur avait montré suffisamment de solidarité et de compassion pour n’être pas soupçonnés de collusion avec les forces du mal ! Je n’ai personnellement aucune tendresse pour les barbus massacreurs de foule et c’est plutôt rageant d’être soupçonné de sympathie à leur égard. Ce qui fait le plus râler, c’est que depuis 96 –attentat d’Oklahoma City- et l’administration Clinton, les américains ne respectent plus guère leurs propres principes sur le vieil Habeas Corpus ! Le Patriot Act, édicté après le 11 septembre 2001, n’a rien arrangé. Lisez ou relisez les derniers livres de Michael Connelly, il pose très bien le problème ; on ne peut pourtant pas le taxer de gauchisme ou d’antiaméricanisme militant.

            Sinon, et pour répartir un peu la charge de la connerie, on ne peut pas dire qu’ils ont pris les autorités françaises et européennes en traître : ils en parlaient depuis 2001, ils ont pris la décision en 2003 et ils avaient fixé le délai à octobre 2004, puis sur demande européenne,  repoussé à octobre 2005 ; ils doivent avoir l’impression qu’on se paie leur calumet, ce qui les rend irascibles. De ce point de vue, et comme d’habitude, les petits français sont à la traîne. Sarko avait donné le marché de la fabrication du précieux document à une société privée, Oberthur, en réponse, le comité d’entreprise de l’Imprimerie nationale a saisi le tribunal administratif de Paris, au motif que la préférence donnée par le ministère de l’intérieur à une entreprise privée dérogeait à la loi du 31 décembre 1993. Celle-ci dispose, en effet, que l’Imprimerie nationale est « seule autorisée à réaliser les documents (…) dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité, et notamment les titres d’identité, passeports, visas (…) ».                                                                                                            D’où le blocage ! En fait il y a une collusion entre la CGT et Nicolas, dit le petit tendu, pour qu’on passe une fois de plus pour des cons !

Sinon tout va bien, je passerai par Tokyo, ce qui me ravit !

Bibi Fricotin

Bonjouourrrr !

Voilà qui sent sa DRH et sa formation en entreprise à plein pif !

Faut que je raconte, c’est trop beau. Je suis au rayon produits vaisselle d’un Leclerc quelconque. Un mec qui aime les pastilles, là il se régale : t’en as avec deux, trois, quatre trucs dedans qui te mettent la vaisselle comme neuve et qui sentent  bon, qui te prolongent  la vie de ton Wihrpool jusqu’à fatiguer, t’es sûr de crever avant ton lave-vaisselle ;  t’en as avec une boule rouge au milieu du bleu, qui fait toute la différence, au citron, à la menthe, avec des trucs en plus que tu y as pas pensé, comme ces nouvelles capotes que t’as même plus besoin de partenaire tellement c’est sophistiqué ! Moi bon con de sommateur  je  m’applique à comprendre ce qui me va le mieux pour éviter les auréoles sur le cristal, pour économiser du sel et empêcher ma bécane de s’escaner sous une masse de calcaire. Je regarde les prix au kilo, je m’étonne que ce soit moins cher avec du parfum en plus et je m’extasie sur les tarifs du bio qui te lave rien du tout mais qui sauve la grosse boule bleue dont on est tous responsables comme dit Jolycohnhulot. Bref j’en arrive à la conclusion habituelle dans ces occurrences : je prends ce qui me tombe sous la main, incapable de discerner objectivement le meilleur dans cette profusion de marques, d’emballages  et de produits. Je suis émerveillé à chaque fois qu’un malin m’explique, l’air de celui à qui on ne la fait pas, que les hypers c’est mieux que le hard discount parce qu’il y a plus de choix ! C’est quoi cet univers où l’avalanche de produits et la multiplicité des offres  empêche de choisir ? Vivent Lidl, Aldi et les pommes de terre frites !                             

  Bon, tu piges dans quel état j’arrive vers les caisses, énervé et plein de réflexions acides qui ne demandent qu’à s’exprimer, manque que l’interlocuteur… justement en voilà un, plutôt trice que teur : la vraie pro, coiffée Madonna  après le concert, blazer rouge sapeur, serré sur une hypermastie boudinante, l’air pensif, toute prête à se faire chier pendant ses six heures en temps choisi– sic !-, pour un salaire mozambicain ; moi je pense que ces travailleuses ont droit à notre sympathie et en général je fais assaut de bonhommie et d’humour empathique, je me dis que mon passage dans leur ruelle en sera plus léger et m’efforce de provoquer quelques risettes ; il m’arrive parfois de faire un triomphe et d’obtenir un éblouissant sourire, une répartie ironique ou même un franc éclat de bidonnage qui peut mener au fou-rire ! Donc j’arrive à la caisse, tout rayonnant  et fier de la plaisanterie qui va assurément dérider cette brave travailleuse. Je commence ma phrase, on me coupe illico en m’assénant un BONJOURRRR !!! retentissant pour dire à tout le magasin que ce connard de client est même pas poli et que ça lui fera une drôle de leçon pour l’avenir. On a dû lui dire que le premier truc à faire c’est de saluer le client, ça m’étonnerait qu’on lui ait enseigné l’art d’insulter le dit client rien qu’en lui disant bonjour ! Enfin c’est tant pis pour moi, ça m’apprendra  à gaspiller ma sympathie pour soulager l’humanité souffrante comme disaient nos grands parents voltairiens : Poignez vilain il vous oindra, oignez vilain il vous poindra !

My friend Larry, crazy guy !

Ce texte, il ne le lira pas, trop modeste pour recevoir un compliment quelconque, je ne vais donc pas lui infliger cette épreuve                                                                                               Il est arrivé en Polynésie il y a quarante ans, hippie ! Son ambition : vivre sans travailler, élevage, culture, cueillette, va savoir… Aujourd’hui il vivote, endetté et accablé par un boulot de merde : il tient avec une désinvolture bougonne la seule station-service de l’île de Tubuaï, Australes. Une fois de plus je dois rendre à César, ce qui appartient à César et à Michel Fischer ce qui lui revient. Dès le début il a su éveiller ma curiosité pour ce personnage indéfinissable et pas facile à approcher. Lawrence Miller travaille quelques heures par jours seulement, mais cela lui coûte : il ouvre le bureau le matin de bonne heure, là, il s’efforce de mettre de l’ordre dans la comptabilité la plus merdique qui soit et il occupe le créneau 16h/18h quand il tient jusque-là et qu’il n’est pas en rupture de stock ; en fait la station fonctionne surtout grâce à Mira qui sert les clients avec compétence et grand souci de justice : avec elle tous sont égaux face à la pénurie ! Entre temps il est entièrement mobilisé par ses spécialités. Car c’est un spécialiste reconnu dans certains domaines : la météo d’abord, il est paraît-il incollable sur les cyclones, on peut dire qu’il est bien placé pour cela ! La préhistoire polynésienne, vous ne le prendrez pas en défaut sur les herminettes et les hameçons en arêtes ! L’ampélographie, il a planté différents cépages dans un petit champ qu’il possède sur la route traversière et il a acheté un traité du 19ème siècle en une dizaine de volumes plus joufflus que les tomes de la vieille encyclopédie Larousse et qu’il prétend avoir lu intégralement. Moi, je le crois. Enfin il est internationalement reconnu comme un des experts qui font autorité sur la reliure du XVIème au XVIIIème siècle français. J’ai vu sa correspondance avec quelques furieux de tous les continents et j’ai surtout pu tenir en main des choses étonnantes : un couvre livre gravé aux armes de François Ier, des traités d’anatomie dorés à l’or fin et enluminés à la main ! Plein de trucs tous plus curieux les uns que les autres car il se moque du contenu si la reliure est belle et authentique. Ce qui ne l’empêche pas de lire parfois ces ouvrages surtout les bizarres ! Il achète la plupart du temps sur e-bay, ça vous en bouche une surface ça ! Peintre, rocker, photographe, équipier sur voilier autour du monde, chauffeur de maître, astrologue, implementologue( !)- je crois que c’est un expert dans l’étude des outils et ustensiles de la Polynésie ancienne-, versé dans tous les onirismes et les obscurantismes possibles. Il aime les vieilles américaines, il a deux Pontiac des années soixante, une maman presque centenaire et riche qui vit à Toronto où il séjourne de temps à autre pour recharger son compte en banque en faisant le taxi ! Mais si !                                                             

Le plus difficile c’est d’entrer en relation avec lui, il est extrêmement soucieux de son indépendance et n’approche pas qui veut de ses tanières. Il semble très réservé quant aux popaas qui vivent sur l’île et ne cherche jamais le contact. En fait c’est le Hold’em qui nous a réuni. C’est un vieux joueur de poker fermé, comme moi, et s’il était très réticent au début à l’idée de se convertir à la religion actuelle, comme moi, il  s’y est mis, et avec  bonheur par la suite. A la fois classique et agressif, il est souvent déçu par des bad bits assez fréquents ; c’est à la table un compagnon courtois et plein d’humour, connu pour son expression favorite quand il est relancé, battu ou qu’il a révélé un bluff bien mené : Crazy guy ! Depuis mon départ il a abandonné le poker, se refusant de jouer avec certaines personnes : Still no poker, can’t play with poker with guys like the doctor, life is too short. Nous nous sommes beaucoup fréquentés à la fin de mon séjour à TubuaÏ ; il a eu la gentillesse, lors de la visite de Marie, de nous guider sur les lieux où l’on ramasse les herminettes ; il m’a fait en cadeau de départ l’offre d’un spécimen très rare et poli avec une finesse particulièrement délicate. J’avais mes entrées à la station et chez lui, il venait régulièrement à la maison,  j’en ai largement profité, tant était grand le plaisir que nous avions à deviser et à échanger des propos désabusés et rigolos sur la vie et les femmes ! A présent il s’est lancé dans un trip interminable sur Second Life, où il a deux avatars, un mâle, sans grand intérêt et une femme magnifique et sexy qui lui fait rencontrer une multitude d’autres femmes, virtuelles ou réelles ! Suite à mon dernier message, il a livré une réflexion flatteuse pour moi : ps Google has trouble translating your wonderfully articulate French

 Crazy guy !

 son site:        http://www.insidemystery.org/about.html

Le Bômi

C’est pas pour me vanter mais j’ai développé toute une réflexion sur un des états de notre organisme les plus difficiles à domestiquer, le moment où le corps  vous  échappe, affaibli, débile, prêt à mourir, près de la mort, la main qui tremble, le genou qui flanche, le froid qui s’installe dans l’estomac, la sueur mauvaise qui perle autour des lèvres décolorées, un peu d’arythmie et de tachycardie, le teint qui se plombe et les intestins qui se nouent au bord de la diarrhée. Cet état a ses lettres de noblesse, Sartre en fait un premier roman sur le malaise que provoque la conscience de la gratuité de l’existence, Frédéric Dard a écrit des pages immortelles sur ses manifestations visqueuses et jaillissantes dans plusieurs aventures du commissaire San Antonio, c’est un des thèmes récurrents de South Park et dans les albums de Titeuf un des personnages est emblématique de la chose, il en porte le surnom.

Nausée, envie de vomir, gerbe, beurk, comme il vous plaira de désigner la chose, ma mère disait : J’ai, tu as, il a le bômi  en traînant sur le ô.

Le bateau fait 7mètres cinquante, c’est un Rhéa, beau et rassurant, racé. Fabriqué par une boîte de La Rochelle qui est célèbre pour ses réalisations soignées ; un vrai pêche /promenade confortable et puissant, quille longue, Nanni diesel de 200 cv. Sorti de la marina de Salé, on longe la côte jusqu’à Harhoura, la mer n’est pas mauvaise, houle courte de un mètre, vent assez doux ; quatre pêcheurs dont le capitaine Najib, sympa et compétent ; il faut une petite heure pour être sur le lieu de pêche. On fera une cinquantaine de poissons, essentiellement des sars (dînent-ils à l’huile ?), taille standard, 25/30 cms, un ou deux maquereaux, moi une jolie palomette, pugnace et têtue qui refuse un moment de monter dans le bateau et quelques épineuses bestioles qui figureront bien dans une soupe confectionnée par Fathia sous ma surveillance sourcilleuse et pédagogique  et que nous dégusterons le lendemain, avec rouille et croutons – je m’entraîne toujours pour le championnat des mecs qui écrivent les phrases les plus longues-. Je suis tout heureux de renouer avec la palangrotte et les captures de taille modeste. Tout pour faire une journée idéale et empreinte de camaraderie virile et bavarde, émaillée de réflexions intelligentes sur la fidélité de nos compagnes quand l’un de nous semble prendre plus de poissons que les autres. Las, c’est sans compter sur le bômi ! Sorti du port ça commence, estomac glacé je me demande si le petit dej va pas me faire un retour fulgurant et inopportun, ça se calme à moitié quand je prends l’air lointain et que je me mets dans l’attitude du mec qui scrute l’horizon et qui se demande… ça ne s’arrange pas quand je m’avise de monter une ligne ou d’escher avec un poulpe qui a connu des jours meilleurs et dont les fragrances ne sortent pas de chez CK. L’horreur parfois, l’oubli souvent quand une prise ploie le scion qui tressaute ou se courbe fortement sans secousses selon l’espèce qui vient de se faire piéger. Journée terrible d’alternance de malaise et de pur bonheur ; connement je suis assez fier de moi, j’ai réussi pendant tout ce temps -8 ou9 heures quand même- à cacher mon état à mes compagnons. Il y a quelques années de cela on m’aurait entendu seriner à longueur de temps : putain les mecs j’ai la gerbe ! Oh là ça va pas ! Oh con j’ai le bômi ! Là, pas un mot, les dents serrées, le sourire carnassier du vrai loup de mer, la réflexion pour faire rire toujours prête et le flageolement interne soigneusement camouflé !

C’est pas pour me vanter…

                        Choses vues entre Asilah et Souk El Tnine-autrement nommé Sidi El Yamani-.

Pour l’instant je loue une petite maison de village à un quart d’heure de la mer. C’est un gros bourg célèbre pour son marché du lundi (Tnine, deuxième jour de la semaine ; il y a quelques années (trente !), j’avais une maison à Souk El Arba, marché du mercredi). Quand on quitte Asilah vers le sud, on peut prendre la nationale, l‘autoroute –drôle d’idée !-,  ou faire un détour par une petite route beldi au charme étonnant, on traverse une zone de collines et de plaines bornée à l’horizon par les dentelles du Rif, je ne m’en lasse pas.                             Ce pays est étonnant, je retrouve intactes des sensations que j’ai connues il y a longtemps et je me laisse surprendre par les changements partout visibles. Au milieu des années 80, une sécheresse mortelle accablait les campagnes, le roi organisait des marches de prières pour demander la pluie. Là, tout est vert, le jaunissement des près commence à peine à s’installer. J’avais quitté un Maroc ou le français était en perte de vitesse, maintenant je dois chercher longtemps pour trouver quelqu’un qui me comprenne, je vais faire des progrès en arabe et en espagnol. Dans la rue, les femmes voilées étaient très rares, peu d’entre elles couvraient leurs cheveux. Aujourd’hui c’est assez fréquent mais c’est largement compensé par l’attitude des jeunes qui se promènent en couple se tenant par la main, les épaules ou la taille ; sur la plage, des filles en bikinis ont parfois la tête couverte ; dans le bled la femme a gardé l’habit berbère traditionnel, robes amples sur pantalon, bottes en caoutchouc et grands chapeaux de pailles. Les bourricots sont partout, surchargés comme toujours, faussement résignés et indifférents aux Hummers qui les dépassent en klaxonnant. En fait ce qui est resté intact, c’est le contraste violent et partout constaté entre du médiéval et de l’ultramoderne.

            Anecdote révélatrice et judicieusement placée : Je circule dans Asilah, j’ai rendez-vous avec un propriétaire pour visiter un logement. Je suis sur une quatre voies, je dois rebrousser chemin ; une ouverture pour mon demi-tour, évidemment une Uno est garée contre le trottoir, juste là ou ça va bien pour m’empêcher de passer sans manœuvrer. Petite marche arrière, en grommelant et en faisant quelques signes au taximan qui s’en cogne totalement. Je repars et j’entends des pouets ! pouets ! anémiques et répétés je n’en fais guère cas et poursuit ma route un moment sans m’apercevoir que je suis pris en chasse par une Hyundaï hors d’âge qui a du mal à me suivre, je ralentis pour voir un furieux au volant qui me fait une queue d’anchois et me serre contre le trottoir en continuant son concert de klaxon. Il écume et je suis prêt à me garder contre une possible violence physique. Curieusement il écume en anglais : Get out of your car, we are going to the police, you ceci and you cela !  Toujours  dans la langue de Birkin il me dit que sa femme parle français  et va m’expliquer quelle vilénie j’ai bien pu commettre pour mériter au moins la pendaison immédiate. Dans sa voiture, il y a une grosse dame et un garçonnet d’une dizaine d’années, les yeux écarquillés et manifestement terrorisé par son géniteur.  Il semblerait qu’en reculant j’ai percuté l’avant de sa limousine fière et néanmoins coréenne. Il a effectivement un gnon à l’avant au milieu d’autres gnons et moi j’ai une petite coloration bleu-vert sur mon pare-chocs arrière. Je lui assure que je n’ai rien senti ni entendu – en britton : pas étonnant avec ta grosse BM !-, et que je n’ai aucunement l’intention de m’enfuir, prêt à faire acte de responsabilité, ma carte verte à la main. Il a redescendu la pression mais vue son assurance et la violence de sa démarche, je me dis qu’il doit être connu et suffisamment bien placé pour me faire des emmerdes. Car au Maroc comme ailleurs, les altercations avec un mec qui a un minimum de pouvoir, sont de vraies emmerdes, donc je m’attends au pire. Il me demande de le suivre jusque chez le loueur ! En fait ce truc ne lui appartient pas, il l’a loué ! Trois kilomètres plus tard, l’agence de location. Un mec sort, il l’air important de celui qui dirige mais il a aussi l’air de celui que ce genre de broutille ennuie profondément. Il se penche, tire sur le bout de plastique qui se ballade à l’avant de la coréenne et fait un geste insouciant de dénégation. J’apprends en anglais que l’avant avait bugné déjà plusieurs fois et que c’était kif walou ! Que j’étais libre et mis quasiment hors de cause. J’accepte les excuses multiples de l’ancien écumant, il continue de parler anglais mais il m’embrasse en marocain, deux fois ! La grosse dame me fait un sourire, le môme a l’air drôlement soulagé. Moi aussi. Voilà comment ça peut se terminer, ici.

            Si j’avais plus de temps je vous dirai aussi à quel point les filles de ce pays peuvent être splendides. On dirait que Baudelaire s’est promené dans Asilah ! N’oubliez pas ceci : celui qui à l’âge de cinquante ans n’a pas relu Baudelaire a bien mérité sa Rollex ! Cela s’intitule A celle qui est trop gaie Pour ma part, je veux bien jouer le rôle momentané du passant chagrin :

Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.

Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.

Sinon, ça va ?

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