J’ai écrit ça y a dix ans, j’enlève rien!

En même temps

Vous avez remarqué comme moi à quel point les mots peuvent changer de sens et même dire l’inverse de ce qu’ils semblent signifier à l’origine.

On va commencer par une expression qui fait florès en ce moment, des conversations de cour de récré, jusqu’à la télévision –l’ignoble Field, le social traître de LCI l’emploie à tout bout de phrase creuse et mal sentie- je veux parler de l’usage qui est fait de en même temps. On oublie le sens premier qui est d’exprimer une concomitance dans la chronologie, par exemple quand je lis : Peut-on vraiment marcher et uriner en même temps ? (Bernard Henri Lévy). Ou bien : il était difficile pour les deux amants d’avoir un orgasme en même temps ( Christine Angot). Ou pour finir : Il pensait à la situation au Moyen-Orient et en même temps, il jouait distraitement avec son prépuce (Alain Minc). A présent, on utilise la chose pour exprimer une atténuation ou même une opposition, pour dire parfois à peu près l’inverse du début de la phrase. On est dans la perspective de la pensée molle (vous vous souvenez : on dit jamais non en face, on dit ça va pas être possible). Des exemples ? En v’là : Il était gentil avec tout le monde, en même temps, il était parfois dur avec son épouse( Comprendre : il lui foutait sur la gueule régulièrement !) Donc : Il était gentil avec tout le monde, mais en fait c’était un vrai salopard ! Un autre ? Sarkozy a toujours un discours franc et sincère, en même temps il se trompe sur certains sujets ! Là je traduis pas. On répartit équitablement : Mitterand reste emblématique pour une certaine gauche en même temps il y a eu l’ »attentat » de l’Observatoire. Sur un cahier propre, citez moi trois exemples de l’utilisation de en même temps dans la pensée molle.

PS : au tout début, il m’est arrivé de perdre mes lectures avec monsieur Béchamel-BHL- , car à l’université on est un peu obligé de suivre la mode, par contre (pas en même temps) je n’ai jamais lu une ligne de Christine Angot ni un mot de ce Minc. Quand la droite se met à penser, il est temps de repartir pour des horizons lointains. Notre nouvelle droite ne se contente pas de baiser le pov’ monde – là on peut pas lui en vouloir c’est dans sa nature- elle exige son assentiment. Ben oui ça fait mal au cul, en même temps c’est la loi du marché, t’es d’accord avec moi ! D’ailleurs demande à Strauss-Kahn !

Les mensonges de Marcel

S’il y a une stratégie qui a toujours existé, qui demande un certain aplomb, mais qui marche, c’est bien la négation de l’évidence. Tu fais ou tu dis un truc qu’on te reproche, surtout tu t’excuses pas, tu nies jusqu’au bout : je l’ai pas fait, je l’ai pas dit, vous avez mal interprété ! Et là on a la phrase qui dédouane automatiquement : vous avez sorti ces paroles du contexte où je les ai prononcées! Avec ça t’es peinard, ils ont plus rien à dire en face ! En politique c’est permanent, on va y venir, mais ça me rappelle mon copain Marcel.

Marcel, pied noir algérien, était prof dans le même bahut que moi, au Gabon. Il passait son temps à tricher dans tous les domaines. Il abandonnait sa classe sous les prétextes les plus inventifs, courses à faire, santé fragile, il s’arrangeait en permanence pour passer devant tout le monde, truquait ses compteurs d’eau et d’électricité, ne rendait jamais la monnaie, promettait sans tenir, arnaquait sans relâche et avec une obstination tout à fait admirable ! Marcel m’avait à la bonne, non seulement je n’ai jamais compté au nombre de ses victimes mais il avait entrepris de me convertir à ses principes. Il aurait voulu faire de moi son émule, me convertir à la saloperie militante, désolé par mon manque d’enthousiasme, un peu déçu par ce qu’il considérait comme les faiblesses de mon personnage ; bref je manquais d’ambition !

Marcel avait une femme pied noir comme lui, grande blonde à la beauté altière bien qu’un peu épanouie ; épouse fidèle, dévouée et attentive, mère exemplaire de deux enfants élevés à la perfection ; mais jalouse. Marcel était un super clébard, flamberge au vent en permanence, il passait son temps à séduire ou à essayer. Il parvenait souvent à ses fins et alignait les conquêtes comme Estrosi les âneries. Je m’étonnais devant lui que ses prouesses passassent inaperçues et échappassent à la sagacité vétilleuse de son épouse. Il m’a raconté comment quelques fois il s’était fait prendre la main dans le panier, une seule solution dans ce cas, avec l’accent d’lâ-bâs si facile à imiter à l’oral :

Albéért, n’âvououe jâmé ! Tûû nies ! Devant l’évidence la plus éclatante il niait, expliquait argumentait, contre toute logique et au mépris de la réalité la plus flagrante ! Il niait et

apparemment ça marchait, apparemment ; au moins avec cette personne, peut-être naïve où au contraire très rusée ; l’évidence ça peut coûter cher à tout le monde.

En politique c’est pareil. On commence par Frêche ? L’équipe de France pleine de blacks – sûr qu’en petit comité, il dit nègres-, il l’a dit mais c’était pas raciste. Fabius avec sa tronche pas catholique, il l’a dit mais c’était pas antisémite ! En fait c’est vrai, il est populiste Frêche, démago du midi (enculés de parisiens !), assez connard de base dans son discours, mais c’est fait exprès, il n’est ni raciste ni antisémite mais il en adopte volontiers le langage pour aller labourer les terres du FN. Donc on interprète mal ses paroles. On tient pas compte du contexte.

L’autre Mitterand, maintenant. Il est de la jaquette militante- !- . C’est son droit et comme Voltaire, je suis prêt à me battre pour qu’il ait le loisir de s’exprimer à ce sujet. Il est allé en Thaïlande. Il l’écrit. Il a eu des relations homosexuelles là-bas, avec des jeunes gens. Il l’écrit. On vient le chercher là-dessus, le FN et quelques connards de service au PS. Bon jusqu’ici, ça va. Il pourrait dire simplement que c’est une œuvre de fiction et qu’il ne légitime pas le tourisme sexuel. Point. Pas du tout il s’enferme dans des explications à la con ou il nous dit qu’il n’a de relations zig-zig qu’avec des hommes de quarante ans ; c’est bien connu la Thaïlande est célèbre pour ses hommes de quarante ans qui envahissent les trottoirs la nuit venue ! Donc on lui fait un faux procès. On extrait les citations de leur contexte !

L’Hortefeux à présent : il fait une plaisanterie fine sur les arabes – sûr qu’en petit comité il dit les bougnouls ou pire les gris comme on dit maintenant- Là aussi ça voulait pas dire ça- pas bougnouls, bougnats- il parlait des auvergnats et ces cons de journalistes qui vont pas te dénoncer une plaisanterie raciste ! Persécuté, le Brice. Comme Morano, que la casquette à l’envers c’est une image ! C’est pas du racisme. Et le contexte, alors !

Et Longuet! Il se sort le cul propre avec un non lieu providentiel sur le financement de son ancien parti, personne dit rien, c’est vieux, on a oublié, les juges qui vont bien en ont profité… Tu crois qu’il ferait profil bas et se signerait pour remercier du miracle ? Non il fait péter sa gueule sur un truc qui le regarde même pas. Pour diriger la Halde, il ne veut pas de Malek Boutih, car dit-il, il n’est pas représentatif du français standard – ce qui en soit est déjà un hommage, j’aimerais pas être représentatif de ça !-. Le fait qu’il soit d’origine arabe et que Longuet ait milité un moment à l’extrême droite n’a rien à voir avec l’histoire. Encore des médisances de journalistes vendus à la cause socialo-écolo. Tenez compte du contexte !

On finit par le plus beau ? Notre président ne fait pas campagne et il le dit. Contexte !

Je suis assez pour la réhabilitation du politique, en même temps j’ai l’impression qu’on se fout de ma gueule !