Et, lorsque Nana levait les bras, on apercevait, aux feux de la rampe, les poils d’or de ses aisselles

Bien sûr elle savait montrer une stupidité sans nom. Elle était capable de ruiner pour ruiner avec un enthousiasme imbécile. Elle ne voyait rien autour d’elle, qu’elle. Sa cervelle de pinson était entièrement tournée sur elle-même et quand elle faisait le mal elle disait chercher le bien ; toutes ses victimes étaient présentées comme ses bourreaux et sa peur de la mort, cette angoisse irrépressible qui la prenait à diverses occasions lui tenait lieu de repentir et lui donnait l’opportunité de se décharger sur les autres de ses turpitudes. Alors comment expliquer cette fureur des mâles à son chevet, cet abandon total de toute dignité et cette bêtise encore supérieure à la sienne que tous montraient du plus jeune au plus décati, du plus riche au plus démuni, cette rage de se ruiner pour une petite grue des rues, sans intelligence ni talent ? Nana avait le génie de se montrer, d’exhiber cette grasse nudité blanche, blonde ou rousse sans choisir son public, sans pudeur vrai ou fausse, avec la fierté d’une déesse obscène naissant de l’ordure pour offrir un chef d’œuvre, son corps !

         Steiner en premier. Quand elle veut vraiment le mettre plus bas que terre elle en appelle à sa judéité, mais en fait elle n’est pas du tout antijuive et pardonne tout quand il paye ! Elle prend des heures à le mettre en train, besognant son vit mou et maigre qui met une éternité à émerger de son ventre ballonné pour pousser un gland blanchâtre qui finira par baver dans sa main. Il ne peut plus la pénétrer, chacun jouissant dans son coin. Ce qu’il aime le plus c’est la regarder à sa gymnastique du déshabillé, quand elle finit nue et que sa toison d’or roussi se caresse au tapis de Perse qui orne le sol de sa chambre. Il se manipule névrotiquement quand elle lui présente son arrière train moussu où les deux orifices palpitent dans une forêt délicieuse et douce. Nana s’avoue excitée et se donne du plaisir en essayant d’en montrer le plus possible à son bienfaiteur. Ruiné et menacé de poursuites il se verra refuser tout accès à ces merveilles ; mais il se trompe quand il croit qu’il en crèvera, Nana va claquer bien avant lui !

         Nous passerons sous silence les débordements de notre héroïne avec ses amants plus jeunes et plus robustes, habitués à s’offrir des chairs rétribuées. Vandeuvres, Daguenet, Fontan, Fauchery, La Faloise, Labordette… et tous les clients de passage, parfois ramassés dans la rue, tous forniquent à la française, s’enfonçant par tous les pertuis, tous sont de nature triomphante et le simple spectacle de Nana se dénudant les met en condition ! Bien sûr il y a quelques variantes, certains exigent des flatteries négligées par d’autres, ou des caresses liminaires, voire toute une introduction aux choses sérieuses ; Fontan s’excitait par les coups, Fauchery et Vandeuvres parlaient beaucoup avant l’acte. Mais en fait celui-ci, au grand plaisir de Nana, la remplissait d’aise : elle s’enivrait à l’idée que cet objet magnifique qui tenait à peine dans sa main et sa bouche allait entrer en elle et la combler au sens strict ! Bordenave venait assez rarement mais il était toujours bien accueilli car il présentait un système énorme que Nana avait eu du mal à accepter au début de leurs rapports ! Dans ces occurrences elle hurlait de douleur délicieuse, en redemandait et passait la nuit entière à glapir. Après ses visites, heureusement de plus en plus rares, Nana était hors de service pour plusieurs jours et plaidait l’indisposition pour reposer ses entrailles malmenées.

         Muffat lui était toujours au garde à vous, il faisait honneur à son état de grand chambellan. Il ne pouvait se retenir quand Nana faisait son spectacle du soir vautrée sur le plancher. Il sortait de sa culotte un pénis épais, noir, tendu et court qui délivrait immédiatement son obole. Mais la tension restait ferme, il pouvait émettre plusieurs fois de suite, sur le devant comme sur le derrière, et sa performance eut été très satisfaisante s’il n’avait pas agrémenté ses efforts de plaintes diverses à la divinité. Nana se demandait parfois ce que le bon Dieu pouvait avoir à faire entre ses draps. Quand, tout confit en dévotion il semblait reculer devant la flétrissure de son âme, elle lui présentait en offrande sa croupe ouverte et luisante, il continuait à maugréer quelque prière mais forçait l’entrée la plus étroite avec son organe à nouveau turgescent. Elle s’était habituée à ce type de relation et avait fini par y trouver du bonheur. La honte et la flétrissure qui finirent par avoir raison du pauvre comte ne l’empêchèrent point de rester sous les fenêtres de l’hôtel où Nana agonisait. Jusqu’au bout il resta assis sur le banc et cachant son visage et sa peine sous son mouchoir de soie.

         Zizi est mort, de ses blessures physiques ou de son amour pour Nana. A dix-sept ans il découvre la blonde Venus nue sur scène, il n’en décrochera plus. Il s’évade toutes les nuits de sa demeure des Fondettes pour rejoindre Nana dans son manoir. Première visite, il pleut, le déluge. Il arrive trempé au manoir de la Mignotte, son hôtesse le fait déshabiller et lui prête quelques vêtements. Elle eut le temps de regarder ce corps de fille agrémenté d’un appendice assez fin mais de bonne longueur qui émergeait d’un nid fourni et très brun seule pilosité de ce bel androgyne. Habillés en filles ils s’amusèrent comme entre filles et la fièvre les prit. Il l’avait terrassée sur le lit et en profitait pour la chatouiller et la caresser comme par amusement. Mais tout cela échauffe. Il eut très vite l’opportunité de la déshabiller, elle habituée à se débarrasser du superflu en vitesse se retrouva nue sur le drap. Il en eut le souffle coupé et elle en profita pour le dénuder à son tour. Il était tellement excité que son sexe était au bord de l’éclatement, dur et rouge entièrement décalotté il n’attendait que des lèvres qui s’offrirent illico et le délivrèrent du même élan il y en eut partout sur les seins de Nana, son cou sa bouche et les draps en prirent encore autant. Entre temps le petit oiseau s’était endormi, il reposait entre les doigts de la maîtresse qui le reprit tout humide dans sa bouche, elle le léchait délicatement et gobait les petites sphères jumelles en faisant aller et venir la peau qui recouvrait et découvrait la tête qui se remit à rougir et la hampe à s’épaissir dans les doigts habiles qui la massaient. En l’espace de deux minutes il fut en position d’agir, elle se glissa sous lui et introduisit le tortoir de luxure dans la grotte qui l’accueillit avec un ravissement partagé. Elle ondulait de la croupe et lui soupirait bruyamment : la première fois et le ravissement de la découverte ! Avec Georges déguisé en fillette elle retrouvait l’innocence de ses débuts quand elle laissa sa virginité de quinze ans dans les brayettes de ses petits amis qui sortaient à peine de l’enfance. Hélas, Zizi comme ses aînés, voulait d’elle ce qu’elle ne pouvait offrir. Elle eut pu se marier mille fois avec tous ses prétendants qui la collaient pour cela. Mais Nana n’avait que ses qualités de femme libre, enchaînée elle eut laissé le meilleur pour personne, cette bête de sensualité se fanerait dans les cuisines conjugales.

         Et puis il y eut Satin. Jolie Satan ! Elle initie Nana aux amours lesbiennes. Ce qui avait commencé comme un jeu, à l’image de ce qu’il y eut entre Georges et elle, devint une pratique habituelle. Là ce n’était plus du déguisement, les corps de ces femmes mélangeaient leurs fragrances et le bonheur qu’on se donnait n’avait pas d’équivalent dans les relations avec les hommes, faites souvent de brutalités et de manque d’égard. Satin qui se prostituait avec des femmes avait acquis une science du plaisir saphique inouïe. Notre héroïne, on le sait, avait sur sa peau de blonde un fin duvet qui ravissait sa compagne. Elle baisait sa chair et pinçait les petits poils follets entre des lèvres gourmandes qui parcouraient la poitrine et le ventre jusqu’à rencontrer la toison blond-roux où elle poussait une langue entre d’autres lèvres bien charnues, roses et tendres toutes remplies d’odeurs. C’était tout de suite une explosion de moiteur savoureuse et musquée. Si Satin était folle du

contact avec la peau de son amante, cette dernière appris bien vite à naviguer dans ces flots de sensualité. A l’opposé de son adoratrice, elle était mince et fine ; très brune elle cachait des ombres grises et profondes où la bouche se perdait dans des senteurs épicées, Nana y aurait passé des nuits entières, s’attardant aux entrées les plus secrètes où elle pointait sa langue avec vigueur ; à de nombreuses reprises cette caresse interdite avait eu un succès certain à en juger par les halètements et les feulements qui allaient jusqu’aux cris. Surtout, quand les bien aimées épuisées de bonheur se reposaient serrées et enlacées l’une en l’autre, la nuit se passait en câlineries et petits baisers doux et apaisés. Lasse des hommes et de leur épaisseur fatigante elle avait trouvé une sorte d’idéal avec Satin.