“Les routes qui ne disent pas le pays de leur destination, sont les routes aimées.” René Char

Mois : novembre 2020

Les actus de 2006

Je trouve qu’il y a plein de choses intéressantes en ce moment !

Sarko semble bien décidé à jeter tous les gamins un peu basanés de l’école des blancs. Les pauvres d’en bas ont enfin compris qu’ils seront plus riches quand tous les étrangers en situation irrégulière seront virés du territoire. Delanoë se prépare à débarrasser les riverains des clodos qui, ingrats, ont gardé les tentes qu’on leur avait prêtées pour l’hiver. Ces salauds de SDF ont fait semblant de rien et se sont collés sur les berges de la Seine, c’est pas Paris Plage, c’est Pue la vase les flots. On parle moins d’EADS, fait trop chaud, j’espère que Gallois va pas taxer les pourliches à Forgeard, celui-ci ferait tâche sur les bords de Seine, en regardant les remous, les ressacs depuis son igloo en nylon !

Oury est mort, ça c’est de l’info qui va bien ! J’ai relevé des épithètes joufflues en forme d’épitaphe de la part de ceux qui n’ont pas peur des mots ; en vrac : Le continuateur de Capra, un génie de la pelloche, le vrai comique à la française, une profondeur qui étonne… J’en suis d’ailleurs le premier étonné.  J’ai éteint le poste quand je l’ai vu se galocher  avec un Belmondo mal rasé ; un peu de sexe ça va, mais ne mergiturons pas dans l’obscène ! Je vais vous dire : ça allait à peu près avec Bourvil et De Funès, parce que c’était eux ! Par la suite on ne voyait plus que la pantalonnade. Avec Bourvil, je donne tout Oury pour un Mocky ; avec De Funès, je donne le complément pour Ni vu ni connu d’ Yves Robert.

Reste qu’ils m’ont spammé la radio et la télé pendant deux jours avec le feu de la Morgand.

En plus de tout ça, il y a le tour. Incontournable, si je puis m’esprimer ainsi. J’apprécie assez médiocrement la rémoulade de pédales, même si, parfois, le suspense est respecté. Cette année, on devait assister à un combat plus ouvert puisque le yankee éteignoir ne figurait plus au générique, on s’apprêtait même à cocardiser un peu, à ressortir les kirikikis comme disent les hispanophones. Moi j’y suis allé d’un œil et d’une oreille distraits. Et voilà que mon mauvais esprit me remonte comme un rot aigre d’après boire. Celui qui vous vient suite aux excès de Gros Plant sur des huîtres douteuses. Y a un autre ricain qui s’appelle Floyd Landis, il était porte-coton du grand, du vrai et remarquable prodige, celui qui a réussi à se camer toutes ces dernières années, sans jamais se faire prendre, l’humoriste célèbre  Lance Armstrong : fucker mother, asshole and so so other jokes pour faire rire à la télé. Je suis sûr que s’il rencontre ZZ, il se prend le coup de boule du siècle !

Suivez bien les méandres de mon esprit morbide : Le Floyd était complètement effondré et près de sombrer dans les méandres du classement ; les journaux :

On le croyait fichu, disparu des avant-postes. Comme Menchov les jours précédents, il avait été rayé de la liste des prétendants. Il n’était plus apte à porter le maillot jaune sur les Champs Elysées. La vérité est que ceux qui l’avaient vu « cloué au goudron », la veille sur les rampes de La Toussuire, pouvaient difficilement imaginer le voir faire un numéro à l’occasion de la troisième étape alpestre. Et pourtant, l’Américain a surpris tout le monde. Floyd Landis s’est refait une santé, il a joué… et il a gagné. Mais ce qui est encore plus important, il s’est replacé dans la course à la victoire finale au lendemain de sa grave défaillance. Le leader de la formation Phonak a conclu une longue échappée, quasi en solitaire, pour franchir la ligne d’arrivée à Morzine avec plus de 5 minutes d’avance sur le second, Sastre. Une victoire qui permet « d’humaniser » en quelque sorte ce Tour, outrageusement dominé par Lance Armstrong ces dernières années. Aujourd’hui, Landis a prouvé qu’un grand leader peut connaître une incroyable défaillance et réaliser un grand numéro le lendemain.

Que s’est-il passé entre le mercredi couille molle et le jeudi bite en fer ? Où est-il allé puiser sa réserve de testostérone ?

Je vais vous le dire, il a peut-être surpris tout le monde, mais pas moi ; Lance était sur le tour ce fameux mercredi, il lui a refilé un kilo de perlimpinpin en douce et on se récupère un new champ tout neuf : le remplaçant qui portera la bannière étoilé sur son maillot yellow à Paname. God bless américa !

Sinon, ça va ! A part peut-être les libanais qui déconnent et les israéliens qui les aident à déconner. On a de bien belles images, comme celle des deux gamins morts sous les décombres ou cette jeunette toute mignonne dans l’uniforme de Tsahal, elle nous explique qu’elle a vingt ans et que si c’était possible elle préfèrerait ne pas mourir trop vite ! Ah ces gamins !

Albert , l’aigre solitaire

Ce que dit ma mère ou Dieu me punit

Répertoire des difficultés à vivre avec une personne âgée :

Egoïsme forcené

Ma mère est chez moi depuis deux semaines !

Ma mère chante de plus en plus régulièrement des choses qui remontent du fond des temps, quelques exemples :

L’araignée de désespoir s’est foutu quat’ coups d’rasoir

Les jouteurs y chantaient ça à Sète :

Elle … a cassé…

La baleine de son corsage

Elle… a cassé

La baleine de son corset !

Elle a cassé son parapluie

Tant pis pour elle

Elle a cassé son parapluie

Tant pis pour lui

C’est le père de Jean Vilarqui chantait ça, il était à moitié fêlé !

L’hirondelle est partie avec ces feuilles vertes

Ma maîtresse comme elle a quitté notre nid

L’oiseau ne chante plus

Ton père chantait ça, tu te souviens pas ? Je parie que tu l’as jamais entendue celle-là :

Elle se met à chanter une chanson sur un poème de Richepin, j’ai retrouvé le texte approximatif sur le web, un mec qui l’a transcrit à partir d’un disque de Damia  :

        
        Les deux ménétriers
      Sur les noirs chevaux sans mors,
      sans selle et sans étriers,
      par le royaume des morts
      vont deux blancs ménétriers.
     
      Ils vont un galop d'enfer,
      tout en raclant leurs crincrins
      avec des archets de fer,
      ayant des cheveux pour crins.
     
      
      Au fracas des durs sabots,
      au rire des violons,
      les morts sortent des tombeaux.
      Dansons et cabriolons!
     
      Et les trépassés joyeux
      suivent par bonds essouflants,
      avec une flamme aux yeux,
      rouge dans leurs crânes blancs. 
     
      Soudain les chevaux sans mors,
      sans selle et sans étriers
      font halte et voici qu'aux morts
      parlent les ménétriers.
     
      Le premier dit, d'une voix
      sonnant comme un tympanon:
      Voulez-vous vivre deux fois?
      Venez, la Vie est mon nom!
     
      Et tous, même les plus gueux
      qui de rien n'avaient joui,
      tous, dans un élan fougueux,
      les morts ont répondu: Oui! 
     
      Alors l'autre, d'une voix
      Qui soupirait comme un cor,
      leur dit: Pour vivre deux fois,
      il vous fait aimer encore, aimer encore.
     
      Allez donc. Aimez donc! Enlacez vous!
      Venez, venez, l'amour est mon nom. 
      Mais tous, même les plus fous,
      les morts ont répondu: non!
     
      Et leurs doigts décharnés,
      montrant leurs coeurs en lambeaux,
      avec des cris de damnés,
      sont rentrés dans leur tombeaux. 
     
      Et les blancs ménétriers
      Sur leurs chevaux noirs sans mors,
      Sans selle et sans étriers,
      Ont laissé dormir les morts.

Et celle-là ? Et la voilà qui entonne une des pièces majeures du répertoire du père, il avait une belle voix de baryton Martin –sic !- ne me demandez pas d’où sort ce fameux Martin :

Il était un fier paladin

Rêvant de gloire et de conquête

Qui  chevauchait lorsqu’en chemin

L’amour lui fit perdre la tête…

Et effectivement, il avait perdu la tête…

Voilà ! Et je m’en fous royalement !

Punaise ! quand je pense que je me mettais devant un cuvier plein de linge ! punaise ! c’est pas vrai !

Quand mon beau père venait à la maison : « Petite on vient ici pour bien manger ! » Ta grand-mère ne savait pas faire la cuisine, elle était même pas vexée !

A table que du vin !

Vous vous débrouillez entre vous !

Maria !( C’est ma compagne elle est brésilienne et patiente comme le fleuve Amazone) il a beaucoup de défauts, mais c’est mon fils il faut rien en dire !

Mes enfants faut pas me les toucher, le reste vous vous débrouillez ! Vous vous crêpez le chignon si vous voulez !

J’ai toute ma tête, j’aurais préféré… Tu peux pas comprendre, tu avais quatre ans…

Je m’en fous, ma vie est terminée !

Tu crois qu’elle est pas culottée, elle veut se coucher sur mes pieds ! A la chienne : Philippine ! Tu trouves pas que tu es un peu culottée de te coucher sur les pieds ? Voilà ! du coup elle est sortie !

Il me faut aller au petit coin avant d’aller me coucher !

Il me faut aller au petit coin ! Coin ! Coin !

Marie Rose, ne te fiche pas par terre !

1,2, et 3 Aie ! Aie ! Aie ! Mes aïeux !

..

Le melon ouh ! je peux pas en manger ! ça me fout la chi-yasse ! Comme disait la femme du docteur… en pleine épicerie, tu te rends compte ! Le melon ça me fout la chi-yasse

Cette soupe est excellente mais elle est trop chaude ! Tu vas pas m’engueuler si je la finis pas !

Allez j’arrête sinon je la garderai pas ! Ouh ! Seigneur, je vous l’offre !

A la chienne : Elle est trop chaude, je peux pas te la donner, elle est trop chaude ! Tu te brûlerais !

Tu m’autorises à me lever de table et aller me coucher ?…

Ouh ! Que je suis fatiguée, Maria !

T’es en plein courant d’air, tu vas chopper la crève ! J’éternue : Tu vois, andouille, t’es entrain de chopper la crève !

Bon ! Je fatigue pour rien autant que j’aille au lit !

Marie Rose tu te lèves et tu te casses pas le bus !

Oh mes aïeux ! Oh mes aïeux ! Oh mes aïeux !

Eh oui !

Allongée, elle tousse, ça l’énerve :

Merr..credi !

A propos de Maria :

Et d’où vient que tu l’as déracinée ?

Maria : C’est la vie Mamie !

Oh la vie, c’est ce qu’on veut bien… Si j’avais pas épousé son père !

Tu sais quand je me suis marié avec son père, y en avait trois qui me tournaient autour ! Y en avait un qui était employé de gare ! J’aurais été femme de fonctionnaire…

Moi, connement : Mais papa était bien fonctionnaire…

Elle, triomphalement : Pas au début, il était chez Lempereur-Lamouroux, aux Wagons-réservoirs…

Et tu sais quand on est arrivés à Bellegarde … à Sète on avait sept cent francs par mois…à Bellegarde on avait un peu plus mais c’était pas assez, alors il avait pris deux jardins…

Ouh ! quelle vie ! Si j’avais su je me serai suicidée…

On faisait même les cardons… Tu aimes ça ? C’est fameux les cardons à la mœlle !

Pourquoi je suis allée m’enticher d’un homme à l’autre bout de Sète, alors que j’habitais Impasse Parmentier…

Un jour sa mère est venue pour dire qu’il voulait partir à Madagascar… Je lui ai dit que mes parents ne me laisseraient pas partir…

Il a eu tort, il aurait fini chef de centre…

Bon je vais aller faire pipi…Marie Rose lève toi … Oh mes aïeux ! C’est pas facile quand on a bu !

Allez ! Ne me cherchez pas, je suis dans ma chambre !

Ah mes aïeux, mes aïeux !

Qui baisera ma femme quand je serai vieux ?

C’est ton père qui disait ça !

Le docteur Scheidt,  il était d’origine  allemande, je crois qu’il était quai de la Bordigue, à Sète, le docteur Scheidt …y a un quai qui porte son nom à Sète – c’est le quai de la Bordigue- la mère Boubat disait que c’était un nom russe… il avait perdu un bras à la guerre, il était manchot, mais pour soigner les gosses il était champion…c’était notre docteur… il avait dit à ma mère, si vous voulez qu’elle se porte bien, collez-là dans la rue ! A dix ans tu te rends compte !

A dix ans… Ils m’ont trouvé un jop, je travaillais sur le marché… Je foutais rien à l’école… A cette époque on t’obligeait pas, surtout que j’étais chez les sœurs…on t’obligeait pas… chez les demoiselles Portalet, si tu travaillais pas, on t’obligeait pas…

Oh ! qu’est-ce que je fais là Seigneur ?

Maria : C’est la vie , Mamie !

Non c’est pas la vie, c’est la merde !

Je parie que je suis tellement maigre que je perce le fauteuil !

Je fais rien là, je fatigue, je vais au lit !

Mamie elle va au lit, avis aux amateurs ! Avizozamateurs !

Ouhfff !!!

C’est un é pipi

C’est un épicier

Qui moud son caca

Qui moud son café

La fille de l’étama

La demoiselle Eva

Portait à domicile

Toutes ses ustensiles

Que son père étamait

Dans son p’tit atelier

Si ti

Malerote malerote

La casserole

Mama mia  Mama mia

Quel embarras

Malerote malerote

Qui la rote

Qui la rote

La paiera

Tu te rends compte que j’ai fait deux guerres et que j’ai failli en connaître une troisième…contre les arabes…

Moi : pour quatorze/dix-huit, tu dois pas te souvenir de grand-chose…

Malheureux, j’avais cinq ans, je faisais la queue pour un litre de pétrole !

Comme si c’était hier…

Pendant la guerre, y avait de tout à Sète, des italiens, des espagnols, même des annamites !

Mon père il avait pas…il était pas raciste… Nahon  il s’appelait son copain… Il avait plein de copains… Y avait des juifs qui étaient venus se réfugier à Sète, ils étaient poursuivis par les arabes –sic-. N’oublie pas qu’il y avait la caserne… Y avait des nègres, mon Dieu ils descendaient en criant

Je vais m’étendre comme une pèye, à Bellegarde dans l’Ain, ils disent la panosse, à Sète ils disent la pèye…je me demande… et ici comment ils disent ?…  la vassinque ?

Marie Rose si tu te lèves pas maintenant, tu te lèveras jamais… Pourquoi ils m’ont appelé Marie Rose ? Je me demande. Marie Rose je m’appelle, avec ça, je suis pas fauché…

Plus tard quand tu seras vieille tchi tchi

Tu diras prêtant l’oreille tchi tchi

Marie Rose si tu te lèves pas maintenant…

Ouh là ! ouh là ! Ca y est !

Je l’appelle ma p’tit’ chinoise

Ma tonkiki, ma tonkiki, ma tonkinoise…

La soupe chinoise, j’adore ça…

Ouh, j’ai même la flemme d’avaler,je peux plus l’engoulir, j’en ai marre ça me fatigue, té Louise !

Elle regarde Maria se servir de la salière…Qu’est-ce qu’elle sale, bon Dieu… Ouh ça me tue de manger !

Voilà j’ai fini mon potage, ne me demandez plus rien… Non, non, il vaut mieux que je garde mon potage que d’avoir envie de rejeter, après !

Quand j’ai accouché de Guy , pour me remettre, mon père avait acheté un appareil  avec des poignées pour faire du jus de viande… tu penses …quand il arrivait à me donner un peu de sang… parce qu’alors, Albert, tu les a pas connus, mais j’avais des parents comme ça !

Allez ! Marie Rose !… Non tu ne m’aides pas, sauf si tu entends badaboum !

Tu vas faire les jeux olympiques ? Maria a mis une sorte de maillot qu’elle voit pour la première fois et qu’elle a identifié comme sportif, qu’on ne me demande pas pourquoi !

Moi qui m’intéressais à tout…plus rien ne me dit… Si ! J’irais au lit,je dormirais toute la journée !

Qu’est-ce que c’est ce short ? On dirait un short de curé !

Ces oreillettes elles valent pas un pett !

Tu as des puces, tu te grattes, tu te grattes… La chienne, à ses pieds est très attentive à ses gestes et à ses mots : elle l’aide beaucoup à finir ce qu’elle ne veut plus manger !

Y te faudra lui regarder les oreilles, elle doit avoir un tic ! Hein ma rousse, tu as un tic-tic ? Pac ! le lapin ! Mais non ! Mamie elle peut pas te donner de la lasagne, cucul la praline !

Voulant visiter  l’Italie

J’débarque au pays du soleil

A peine arrivée je supplie

Une chambre ou je meurs de sommeil

Viva Mussolini,

C’est le plus grand homme

Qui vit à Rome

Ah s’il était ici

J’aurais une chambre même dans son lit !

Aussitôt le mari m’embrassa

Et me dit vous ne partirez pas

J’ai une chambre d’amis

Viva Mussolini

La toubib vient de passer, c’est une jeune femme rousse tout à fait charmante :

C’est une femme ou un homme ? C’est un homosexuel…Enfin…

Ils ( les médecins) s’installent avec presque rien, tout de suite ils ont un tas de clients et gagnent des mille et des cents… On y va pour un oui ou pour un non…ça devient maladif chez les malades !

7 heures un bruit, des cris, Maria gicle du plumard à fond la caisse, moi, j’essaye de sortir du coaltar où m’ont plongé le champagne et les divers nanans consommés pour les 96 ans de not’mèr’:

Maria ! Maria !

Ouh ! que j’ai mal ! Ouh ! mon Dieu ! Ouh ! que j’ai mal ! Ouh !Maria que j’ai mal !

Mon Dieu aidez-moi !

Elle est par terre, à côté du plumard, après reconstitution : elle s’est levée pour aller ducorps – pour ma mère, on va jamais chier, on va du corps –, en revenant de sa chaise spéciale, elle a loupé le pucier, ayant négligé d’allumer,  et du coup, elle s’est répandue dans la ruelle. Quelques contusions et un gros pain avec écorchures au coude droit.

Maria, je me suis engrunée ! Et toi ! fous-moi à l’hôpital !

A table, elle observe Maria avec acuité et ne cesse de disserter sur son appétit,  elle me prend à témoin, quête ma complicité ; je la lui accorde pour la reprendre immédiatement en mettant sa victime dans le coup. Elle proteste vivement de l’innocence de ses réflexions ! S’il y a faute, elle en rejette la responsabilité sur moi et mon mauvais esprit ! On se fend bien la gueule ! :

Dis donc, qu’est-ce qu’elle engoulit ! Faut pas l’avoir en pension ! Si moi je mange rien, elle, elle mange pour deux ! Et le piment ! Elle va avoir le feu au train ! C’est une carnassière ! Elle a un cul comme un rémouleur –sic- !

Je suppose qu’elle fait allusion à la position du repasseur de couteaux sur sa sellette qui était censée lui permettre de travailler confortablement ( ?) et qui devait finir par lui épanouir le prose. Voilà qui me paraît complètement injuste, Maria  est bien peu brésilienne du côté valseur ! Elle commence à se faire au vocabulaire de Mamie ça la fait marrer ; je n’interviens que pour traduire dans mon portugais bricolé les bribes qui lui échappent, elle se marre encore plus !

Y vaut mieux la tuer que la nourrir !

Ma mère commence à détester la toilette ! Il fait 25 dans la baraque, je transpire, on lui met le radiateur dans la salle d’eau, elle a froid ! Maria, hilare, a entrepris de la coller sous la douche et de lui laver les douilles.

Oh ! Maria ! Tu me secoues comme un prunier ! Oh ! Maria, j’ai froid ! Oh Maria !

Fins de parties: Vacances

Je me prépare aux grandes ; mon administration, qui n’a rien à envier à l’armée du capitaine Dreyfus, pense que je serai mieux à banéger dans un lagon comme un bon popaa, plutôt qu’a exercer les talents dont je me prévaux, sûrement à tort, au service d’élèves ingrats ! (et même ingrats doubles – en voilà une dont je ne saurais me priver !)

Donc, donc, donc…

Que faire de ma maison si je pars polynéser pour quelques années de retraite chichement gagnées ?

La vendre ? Oui, mais pour racheter ailleurs, moins cher et loin de ces méridionaux que j’exècre d’autant plus que je les connais bien, puisque j’en suis. Car, car, car,  j’aurai besoin d’un pied-à-terre quelconque dans cette métropole que tôt ou tard il me faudra rejoindre.

La louer ? Why not ? Mais pour l’été, ou les petits séjours en France, où irai-je ? Où nicherai-je ? Où gîterai-je ?

De plus, de plus, de plus, si je vends, ou si je loue, quid de mon mobilier ? Je ne puis envisager de louer dans mes meubles ; je ne supporterai pas qu’un paltoquet quelconque s’empare d’une de mes Série Noire, en arrache en partie le dos cartonné pour le retirer de sa rangée, et feuilletant le volume s’humecte les doigts de salive, puis plisse le papier martyr – c’est pourrir un peu !- entre l’index et le majeur ! Comme quelqu’un que normalement j’aime bien mais que j’ai haï le jour où je l’ai vu ainsi traiter mes incunables !

Je suis plus attaché à mes livres et à quelques vieilles carabines

 air de Taïaut, Taïaut !!!!

  • C’était un chasseu eu eur,
  • Tout rempli d’ardeu eu eur
  • Qui branlait sa piiineu
  • Dans sa carabiiiineu !
  • Taïaut ! taïaut !oooo !!!!!

 qu’à mes meubles proprement dits.

La phrase précédente est un peu tarabiscotée, c’est fait exprès ; je suis en froid avec ma version de Word qui se permet des remarques générales sur le style, qui ne laisse passer aucun néologisme et qui lutte contre l’anacoluthe ! Bref une de mes dernières raisons de vivre est celle-là : faire chier Microsoft office Word ; à mort !

Il y a bien le garde-meubles, mais il semblerait que les assurances ou la mauvaise foi des proprios aient inventé des règles nouvelles pour emmerder le monde : tu enfermes ton binz dans un container et tu ne l’ouvres que pour tout enlever. T’as pas droit au repentir, style : J’irai quand même bien chercher l’anorak de la gosse, ou bien : Putain on a enfermé les passeports dans la commode, faut faire ouvrir d’urgence ! On est à Ouagadougou dans une semaine !!!!  Tu peux faire ouvrir, c’est prévu, mais c’est payant !!!!! Et c’est cher mon cher !

On aura compris que tout cela m’emmerde et que ma décision a de fortes chances d’être de ne pas en prendre ! Avec le temps, avec le temps va

Raymond est mort

Je suis de ceux qui aiment assez le cinéma de J.L. Godard (Je sais, je sais, mais la question n’est pas là !), je tiens Pierrot le Fou pour un film important (Oui ! Je sais !! Merde à la fin !!!) mais le passage où Il est là, où Il raconte son histoire d’amour triste en mimant les caresses, c’est quelque chose d’unique, d’inoubliable ! Je suis reconnaissant à JLG d’avoir filmé Raymond Devos dans toute l’étendue de son génie comme je le suis à Truffaut d’avoir montré Bobby Lapointe en 1960 dans Tirez sur le pianiste ; ces gens ne m’ont jamais quitté.

Devos, je le retrouvais toujours avec plaisir, aux hasards des télés, du cinoche, il me faisait parfois bien rire, mais le plus souvent, sa légèreté clean, son souci de la bienséance me ravissait et me changeait un peu de Fernand Raynaud ou de Pierre Doris. On ne riait pas gras avec lui, on ne s’esclaffait guère; il ne balançait pas comme on dit connement dans nos télés pourries par les fogielardissonruquiereries ; il ne s’occupait pas des tares de ses contemporains, mais abordait les défauts de l’Homme, les siens, avec une cocasserie et une invention uniques. On l’a fait parler sur Coluche, il était vraiment coupé en deux : d’un côté admiratif pour un talent indiscutable, de l’autre carrément navré qu’il se gaspille en pantalonnades ou en grasses conneries. La plume dans le cul chez Devos, ça restait en travers ! C’était une sorte d’anti- Bigard.

Encore un qui vient se ranger dans la boîte avec Ferré, Brassens, Brel… Comme disait Alphonse Allais, en soupirant :  Plus ça ira moins on rencontrera de gens qui ont fait la guerre de 70 !

Coupe du monde

Voilà revenue l’époque où le pastis coule en flots épais et où l’on entend des jugements autorisés et définitifs sur les mérites respectifs de Zizou et de Ronaldhino. Tout cela m’emmerde assez passionnément ; pourtant, comme j’aimerais retrouver un peu de mon enthousiasme d’antan devant mon écran ! Oublier les hooligans, le fric, le racisme et le chauvinisme exacerbés qui accompagnent le foot depuis des années. Et la connerie surtout ! La belle et suifeuse connerie qui fait parler les Thierry Roland, cracher les Barthez, et anime la foule.

J’ai quand même bien rigolé dans le match de préparation contre ces chinois bizarres. Un de nos gaillards qui se pète une guibolle en direct, ouille !ouille ! ouille ! L’icône Zidane qui glisse et manque son penalty ! Aille !aille !aille ! Et ce pauvre fils de l’Empire du Milieux qui trompe son propre gardien et se marque un but imparable ! Par Confucius ! Je suis tombé du fauteuil ! Ce mec va finir crucifié sur la place Tien An Men !

Pourquoi bizarres ces chinois ? C’est pas de vrais footballeurs ! On ne les voit jamais cracher, gueuler contre une décision de l’arbitre, on ne les entend pas s’enguirlander ou se féliciter bruyamment, jamais on ne les surprend à se vautrer de joie les uns sur les autres, comme gorets lubriques, ou à plonger les deux mains dans leurs flottants pour remettre les choses à leur place !

 Qu’est-ce que c’est que ces mecs ?

Sinon, autour des stades, il est quand même plaisant de comparer la liesse brésilienne, la fiesta sud américaine, colorée et joyeuse, avec la rage haineuse des supporters des équipes européennes. Comme dirait les commentateurs, ça en dit long sur tout ça. J’t’en caus’ pas !

Le petit supporter

Tintin au Japon

J’ai passé quatre ou cinq jours à Narita, aéroport de Tokyo, je sais tout sur le Japon ! Je vais vous en faire profiter généreusement. Oubliez Roland Barthes et sa sémiologie nombrilesque et fallacieuse, suivez plutôt votl’ selviteul !

On croit que les manifestations de courtoisie nipponnes relèvent de la caricature et du film de genre ; et bien pas du tout, c’est courbettes et visages éclairés à tous les coups et de façons répétées jusqu’à la saccade ! Mimétisme ou désir d’être aussi civil que possible, j’ai tendance à imiter la chose et vas-y que je me fends et me penche en rythme associé à celui de mes interlocuteurs ; je dois avoir l’air particulièrement nœud, mais personne n’éclate de rire.

Au Japon, il faut une grande souplesse d‘échine et des muscles faciaux à l’abri de la tétanisation : dans les échanges d’amabilités, je me suis courbé tant de fois en élargissant un beau sourire crispé qu’il me reste de la raideur dans les mâchoires et dans les lombaires. Il n’y a pas que les chinois qui sont polis ! Première leçon nippone, donc, si t’es courtois, t’es souple !

Incise remarquable par ses dimensions inusitées :

Chacun devrait savoir que, d’après la loi de Boyle, à température constante, le volume d’un gaz varie en proportion inverse de la pression et que donc, dans les transports aériens, l’expansion des gaz intestinaux est cause de flatulence chez le sujet sain et de douleurs plus nettes chez les sujets aux antécédents de chirurgie abdominale majeure. Il est conseillé de limiter féculents et boissons gazeuses avant et pendant le vol. J’ai pompé ça dans un manuel de médecine aéronautique, assez bien informé. En clair ça veut dire que dans un 747 ou dans un Airbus, ça pète à mort et que le sourire distingué de certains personnel navigant n’est pas dû à une formation spéciale mais cherche à masquer un ballonnement irrépressible et parfois douloureux qui leur fait regretter d’avoir repris du chili et de l’avoir arrosé d’une San Pellegrino riche en bulles. Moi qui vous parle et qui suis naturellement sujet à la fermentation tripale – rien à voir avec les hélices-, je descends des avions dans un état de boursouflure tout à fait remarquable et je ne redeviens présentable que dans un délai d’une heure ou deux, après avoir dégazé comme un méthanier incivil.

Retour au Japon ; le lendemain de mon arrivée:

C’est la fin de la matinée, je suis dans Narita où je flâne et me perds – j’ai repris un boulevard dans le mauvais sens et pratiquement atteint les limites de l’agglomération avant d’être détrompé par une jeune femme charmante et aussi douée en anglais que moi- ; c’est une ville pleine de maisons et d’immeubles –original !-, de magasins et de snacks-street-foods-restos-cafés, de boutiques de vieux, de neuf et de deux roues, de supers marchés bien fournis en marchandises et achalandés un max, tout peinturlurés avec des idéogrammes partout, doublés souvent en anglais, on s’y croirait ! Je passe une heure à feuilleter des mangas dans un books-store comme disent les japonais, y en a pour tous les goûts et tous les âges, du pulp pour minots jusqu’à l’hentaï –cul- hyper-spécialisé : hommes avec femmes, femmes entre elles, hommes entre eux, bondage, sado-maso, collégiennes, limites pédophiles, à fond gérontophiles, trav-trans, j’ai pas cherché plus avant, jusqu’au nécro ou bestio, vomito ou snuff, mais je suis sûr que ça existe : chacun sa collec. J’en sort ébloui et édifié !

            J’ai retrouvé le contrôle de mes colon et grêle et un appétit de bon aloi me rappelle qu’il est l’heure sustentatoire. La veille, à l’hôtel, je me suis absolument régalé d’un repas tellement raffiné qu’il m’est impossible de vous dire ce qu’il y avait dans mon bol et qui résistait à mes coups de baguettes malhabiles. Aujourd’hui, je me sens d’humeur prolétaire et bien décidé à tâter de ce que mange le naritais de base.

Je repère très vite un piège convenable et idoine à s’essayer au rata local. On n’y parle guère l’anglais mais mes gestes sont suffisamment explicites pour que je me trouve rapidement confronté à un plat de riz fumant accompagné d’un ragoût de porc tout à fait roboratif et goûteux. J’ai pris le coup avec les baguettes : en rapprochant le bol de la bouche, on arrive à enfourner de façon productive sans trop se maculer le jabot et la barboteuse. La bière est parfaite là-dessus, la viande à des arrières goûts un peu surprenants mais très flatteurs quand même.

Le soir venu, je m’en souviendrai ! En 24 heures, je serai passé du météorisme abdominal à une détresse intestinale visqueuse et abominable ! Directement du charbon actif à l’Imodium ! Du ballonnement à la courante !  Je ne sais pas comment on dit tourista en japonais, mais c’est ça en plein. Une diète absolue s’impose,  j’ai le feuillet et la caillette qui appellent à la grève, le rumen au black-out !

Deuxième leçon de japonais : il vaut mieux des sushis de riche qu’un brouet de pauvre.

La porcelaine si fine des petites tasses de thé :

De la salle de restaurant de l’hôtel la vue donne dans un jardin en tous points comme on peut l’imaginer : arbustes, pelouse, sous le petit pont de bois en arc de cercle, un frais ruisseau qui cascade et caracole jusqu’au plan d’eau peuplé de canards et de carpes coïs énormes et multicolores qui fusent entre les lotus et les algues en quémandant le pain que jettent les gamins en kimonos, socquettes et godasses en bois. Sic, sic, sic et resic ! On s’y croirait plus, on y est !

La chambre est, bien entendu, petite et très confortable, la salle de bain est équipée de toilettes avec bidet intégré, douchette rectale automatique, brumisateur à joufflu et tout ce qui faut pour se débarrasser des grelots ! On oublie vite les désagréments de la débâcle intestinale avec un tel attirail ! On y va pour le plaisir pas forcément par nécessité pressante ! Je suis sûr que si on a des mœurs, méfiance, l’épectase n’est pas loin !

A la télé, trois ou quatre chaînes japonaises, CNN, la BBC, une de golf, deux de cinéma et deux pour adultes… Je vous sens intéressés, alors je raconte.

Cela ressemble bougrement à du porno bien de chez nous, avec une teinture un peu spéciale. On s’y broute, s’y felle, s’y indexe, s’y annule et s’y pouce comme partout ailleurs. On s’y enfourche, s’y fourgonne, s’y égare, s’y dilate et s’y rétracte tout pareil. Feulements, cris aigus, halètements et grognements bestiaux identiques à ceux que tu perçois ou émets quotidiennement ; enfin je te le souhaite. Quelques différences : tous les acteurs/trices ne sont pas jeunes, beaux et minces. Une grosse un peu passée, un petit sexagénaire ventru barbu peuvent figurer au générique ! Dieu quel beau pays ! Beaucoup d’attirance pour la jupette à carreaux, les socquettes blanches, les nattes, l’allure empruntée et ingénue, les grands yeux innocents et mangaesques; je ne sais pas comment elles se démerdent pour pratiquer la turlute avec autant d’application tout en gardant cet air réservé et timide, presque pudibond ! Quelques spécialités marquantes :

— Une brutalité presque permanente ; le pince mi et le cogne moi, la poignée de cheveux a demi arrachée, le coup de rein hargneux, la pénétration rugueuse, le doigt dans la bouche et qui tire sur la joue, la pseudo strangulation et le quasi étouffement, la corde qui rentre dans les chairs… Gémissements de douleur à la mode ouille c’est bon !

— Une fascination pour le trash ; on s’échange des produits de mastication, œufs durs, yaourt, légumes et fruits divers qui passent de bouche en bouche, gorgés de salive, régurgités avec ravissement, réingérés dans l’extase –s’cusez faut queuj’ gerbe !-. On s’enduit beaucoup : huile, miel, yaourt, confiture ; urps !

— Dernier point et non des moindres, l’essentiel est flouté. Pas un bout de bédiglas, pas une once de patanette qui ne soient couverts d’une mosaïque plus ou moins masquante. L’effet est étrange, esthétiquement surprenant : on s’oblige à recomposer l’image, c’en est presque plus troublant que nos crudités bidochardes. Selon le plan, plus ou moins rapproché, et la finesse de la mosaïque, le masquage relève de façon plus efficace l’effet pornographique, on accentue l’effort pour mieux voir, on passe du rôle de voyeur à celui plus rimbaldien de voyant ! Bordel ! Que celui qui n’a jamais découvert une béance et une érection derrière un Mondrian fasse le voyage !

Troisième et dernière leçon : Tout ce que tu vois à la télé et au cinoche sur l’empire du soleil levant est vrai ! L’empire des signes, mon cul ! Farceur de Barthes !

Carte postale polynésienne

Une fois de plus, je le constate, le stéréotype résiste et occupe tout le terrain : comme pour le Japon. Tu vois les photos : les cocotiers, le lagon bleu, vert-huître, la vahiné vanillinée, la pirogue à balancier, les poiscailles multicolores, les fruits, les fleurs, les feuilles et les branches, les colliers de tiarés… Tout ça c’est vrai, c’est comme dans le livre, t’as même pas besoin d’y aller !

Bibi Fricotintin

Guyane rêvée, Guyane réelle

La télévision française découvre la Guyane. Ce lieu très fantasmé – enfer vert, serpents, mygales, paludisme, carnaval, travelos en string et véroles diverses…-, fait l’objet d’une véritable fascination- répulsion pour la plupart des gens. Et d’un paquet d’émissions plus ou moins honnêtement documentées. Légèrement bidonnées sur les chaînes ordinaires, plus froidement scientifiques sur la 5 ou Arte. Le choix entre les touloulous comme si t’y étais et le détail sur ce diptère unique au monde qui vit dans la canopée. Comme j’ ai passé deux années agitées de mon existence, en ce lieu abandonné de Jéhovah,  je ne vois pas pourquoi je me gênerais pour en parler savamment et hasarder des choses définitives. M’en va t’dir’ c’qu’cest qu’la Guiiiyan’ !

L’essentiel des gens qui y vivent connaissent Cayenne et c’est tout. Quelques aventuriers ont poussé jusqu’à Kourou, Saint-Laurent ou Saint-Georges, mais n’ont jamais foutu les pieds dans la forêt qui fait l’essentiel du paysage. Dans le meilleur des cas on s’offre le frisson d’un week-end au carbet : on fait quatre kilomètres sur le fleuve, on passe deux nuits sous un toit ouvert, rustique et vermoulu, on bouffe, on picole en chantant Youkaïdi et on retourne à la clim pour une dure semaine de labeur

Je caricature ? Renseignez-vous !

Et puis il y a l’espèce rare : le vrai de vrai, le pur et dur. Le mec qui considère que son congé est gaspillé s’il n’a pas marché pendant des jours en suivant un layon étroit et mal fréquenté, s’il s’est pas fait sucer par des escadrons de moustiques et pomper à fond par les sangsues géantes, s’il a pas passé sa semaine loin de tout en bouffant du lyophilisé, en somnolant vaguement dans un hamac entre deux arbres, s’il a pas évité sa demi-douzaine de najas, mambas, vipères, bien mortels et chafouins, rencontré un anaconda, une anguille électrique, deux ou trois caïmans et entendu toute une nuit feuler le léopard implacable. Il aime souffrir et avoir les molettes. Il adore approcher les sites d’orpaillage et risquer de ramasser un coup de douze mono canon et brésilien. Des comme ça j’en ai vu plein en Afrique, je les ai retrouvés pareils en Guyane. Ils sont de la même espèce que les navigateurs solitaires blasés, ou les alpinistes collectionneurs de 8000m, leur Makalu ou leurs 40èmes rugissants, c’est la forêt primaire et le mont Tumuc Humac, celui où j’ai posé mon hamac pour  chercher l’oiseau qui fait Tchac-tchac, car il m’a piqué mon tabac – praïveut’ djoque !

Je parlerai pour les autres, ceux qui ne cherchent pas forcément les emmerdes sans fuir à tous prix un peu de risque calculé, qui apprécient modérément la souffrance et pensent que l’effort physique, ça va un moment mais faut pas que ça dure, qui préfèrent manger des choses ordinaires et bonnes plutôt que de survivre aux rations, qui apprécient un lieu dans ce qu’ils y trouvent et non dans les difficultés rencontrées pour l’atteindre. Qui aiment les longues descentes en pirogue, les passages de sauts acrobatiques et la paix reposante des villages indiens. Les gens à peu près normaux ; comme moi par exemple.

Je regarde ce documentaire sur la 3, je vais vous dire comment je vois les choses :

L’ensablé. Le petit blanc d’origine polonaise qui vit avec une brésilienne et qui tient une épicerie à Saint Elie est visé avec précision ; c’est le vrai profiteur qui prospère sur la misère des clandestinos : il se fait payer en or, dix fois le prix, les marchandises qu’il achète en contrebande à Oyapoque, sur la rive brésilienne du fleuve, presque en face de Saint-georges. Il remplit plusieurs pirogues de riz, bière, alcool, cigarettes, conserves, droguerie, petit matériel pour l’orpaillage ; tout cela est déchargé et rechargé sur un Unimog qui date des années cinquante, par une main d’œuvre à trois sous : tu te syndiques peu quand tu sais qu’un signe du patron suffit à te renvoyer dans ta favela pour y survivre à peine. Regardez le trajet qui va du fleuve à Saint Elie : notre héros est vautré sur sa marchandise dans un Hi-Lux hors d’âge qui se traîne sur une piste épouvantable. On se plante dans la boue, on fait du 4 kms/heure de moyenne. Il reste juché sur son pick-up, le cul sur les sacs de riz, pendant que ses employés s’escriment à sortir le 4X4 de cette boue collante et épaisse. Plus tard il nous fera le coup de l’aventurier qui risque sa vie tous les jours, il exhibera même un pistolet d’alarme, seule arme en sa possession dit-il ; mon cul ! comme disait Zazie.

Plusieurs remarques ; des petits blancs ensablés, il y en a plein en Guyane. Dans le meilleur des cas, ce sont des semi clochards pochtrons qui se font le foie à la Heinneken ou à la cachaça, 50° pur jus de cannes. Dans le pire, comme ici, ce sont des minis aventuriers qui vivent comme des tiques sur le dos des orpailleurs et des clandestins divers qui les accompagnent. Je suis sûr que ce personnage est armé jusqu’aux dents, pétards brésiliens –Taurus ou Rossi- et calibre douze avec chevrotines qu’il doit vendre dans son épicerie ; il est prêt à tirer sur tout ce qui bouge. En fait il prend très peu de risques, les garimpeiros se battent surtout entre eux et saignent rarement les français d’origine métropolitaine.

Les argousins. Les flics, maintenant. J’ai pu observer leur boulot de près à Maripasoula. Ce qu’on voit faire aux gendarmes dans le film correspond bien à ce que j’en sais. Ils ne lâchent jamais le morceau mais ils sont obligés de respecter les priorités. Pour une intervention Anaconda, avec hélicos, fusils à pompe, FM, pots thermiques pour cramer les moteurs d’aspirateurs de boues e tutti quanti, des dizaines d’hélitreuillages en pleine forêt pour travailler sur des meurtres ou des vols. Ils peuvent partir pendant des jours pour faire une enquête au milieu de nulle part et interroger des clandestins plutôt rétifs dans leurs réponses. Ils déterrent les cadavres pour les constatations d’usage, comme il n’y a rien pour les transporter ou les conserver, ils les (r)ensevelissent à l’endroit même où ils les ont trouvés. Obligés de gagner la confiance des gens, ils ferment les yeux sur les sites qu’ils découvrent – ils ne ferment pas le GPS qui permet de les localiser pour un retour plus offensif !- . Ils logent dans les bordels et mangent dans les restos de fortune. Ils ne demandent pas les papiers des filles ou du mac, ils ne vérifient pas si la bouffe est passée par la douane. Ils vivent avec ces gens et ils ont le temps de s’apercevoir que ça n’est une vie enviable pour personne. On finit par les renseigner pour cela, justement. Parce que nos gendarmes sont polis et compréhensifs –si ! si !- ; dans le pays voisin, les forces de l’ordre qui découvrent un placer clandestin, ne s’embarrassent guère de formalités : elles tirent dans le tas ; on aura toujours le temps d’interroger les blessés avant de les achever.

Garimpeiros. Qui sont les gens qui apparaissent dans le documentaire ? Les orpailleurs? Tous les brésiliens pauvres –pléonasme presque parfait : au Brésil, pays plein de ressources, seule une très petite partie de la population jouit d’une richesse inimaginable, le reste crève de faim et se déchire pour glaner les lambeaux du pactole ; 300 000 assassinats par an-.

Il ne se construit guère de maison en Guyane sans que des brésiliens, avec ou sans papiers, n’animent le chantier ; ils restent à peu près les seuls à bosser dans ce domaine. Ce sont des travailleurs étonnants, habiles et infatigables. Le travail est si rare et si mal rétribué au Brésil que n’importe quel emploi en Guyane est regardé comme un cadeau du ciel, quelles que soit sa dignité ou la peine qu’il engendre.

Le rêve de l’or est des plus vivaces dans cette région, la Guyane-Eldorado attire de plus en plus de gens du nordeste, bien décidés à devenir riches, vite et à n’importe quel prix. On passe la frontière en douce, les pirogues peuvent accoster partout sur des centaines de kilomètres, on marche sans vivres pendant trois ou quatre jours dans une forêt pas très accueillante ; arrivé sur place, on est nourri et on trouve du boulot immédiatement : on extrait l’or ; si on est une femme on peut le faire aussi, ou bien faire la cuisine, ou bien se prostituer. A Cayenne, une pute se fait entre 20 et 40 € la passe, à Maripasoula, les hommes arrivent à négocier la chose pour 10€, mais en pleine forêt, où la concurrence est faible, c’est 10 ou 15 grammes d’or, soit 80 à 120€. Quand elle a payé sa chambre à l’hôtelier une bonne gagneuse peut arriver à 4 ou 500€ pour un week-end. Une institutrice brésilienne gagne 90€ par mois.

Je voudrais redresser une thèse qui transparaît dans le docu ; les gendarmes de Saint-Georges ont serré un pauvre bougre qui a eu la malencontreuse idée d’être sur la route au moment où ils passaient. Pas de bol. On va entendre le discours prédigéré du brigadier bonne conscience qui empêche de partir les richesses de la France vers l’étranger. Ils lui ont piqué les 4000€ qu’il avait sur lui. « Ouais ! Il dit qu’il a travaillé 8 mois pour gagner ça, vous vous rendez compte, même en métropole y a pas beaucoup de gens qui peuvent économiser ça en si peu de temps ! » J’explique : un orpailleur en bossant du lever du jour jusqu’au coucher du soleil, arrive à peu près à faire entre 100 et 200 grs d’or par mois, s’il a du pot. Quand il a payé le proprio du moteur, la bouffe, les médicaments, la cuisinière, le plumard garni ou le hamac et assuré ses frais divers, il lui reste 50 à 100 grs. 400 à 800€. En huit mois d’un travail de bagnard, climat et paludisme compris, en se payant le strict minimum, ramener 4000€, ça n’a rien de scandaleux. Ce pécule va rejoindre, dans la boîte à munitions réglementaire enfermée dans le coffre, le fric, la poudre d’or et les pépites qui vont enrichir notre beau pays. A tout péter, 50 ou 60 000€ !

Qui veut gagner des millions sur le dos des crève-la –faim ?

La Guyane va continuer à accueillir des milliers de brésiliens ; si on leur permet d’oeuvrer dans le bâtiment et dans les services, ils préfèreront rester en ville, avoir un toit et des conditions de vie convenables plutôt que d’aller risquer leur peau –une trentaine de morts violentes l’an passé- ou leur santé – le falciparum prospère en ces lieux- dans la boue et les vapeurs de mercure, avec l’angoisse permanente de voir surgir les hélicos et les commandos Anaconda et de paumer d’un seul coup les ronds qu’ils ont eu tant de mal à amasser. Ce qu’on ne voit pas apparaître dans le documentaire, ce sont les marches harassantes par 35° et 95% d’humidité, chargés comme des mules. Les gros bourrins de quatre ou six cylindres avec les tuyaux et les réservoirs, les corps de pompe en fonte, et tout l’attirail qui va avec, tout ça n’est pas né sur place : entre le dépôt au bord du fleuve et le site d’orpaillage, c’est à la main et à dos d’homme que c’est venu. Dans le meilleur des cas, quand il y en a, les 4X4 doivent être chargés et déchargés à chaque passage difficile. C’est épuisant et répétitif, c’est particulièrement pénible quand on travaille pour soi ; quand c’est pour un patron… Ce qui me minerait( !) le plus moi qui vous cause à c’t’heure, c’est le monstre délicat de Baudelaire, l’ennui, vous imaginez mal à quel point on peut se faire chier sous les grands arbres !

Le blanc marron

Comment peut-on aimer Houellebecq ?

Voilà bien longtemps que je ne lis plus les romans qui sortent et je crois que mon dernier Goncourt date de 1961, La pitié de Dieu, Jean Cau – en trois lettres comme disait Janson !-. C’était vraiment pitié que de lire cette pauvre chose commise par un secrétaire félon de JP. Sartre ! Je remercie ce Cau-là qui m’a guéri des Goncourt et des prix littéraires en général.

 Je lis et relis de la poésie, des classiques et des romans policiers. Mes dernières grandes émotions de lecture s’appellent Bukowski et l’ovni Fritz Zorn, Mars en 1979, chef d’œuvre de malheur et de solitude. J’ai appris à mes dépens à me protéger des livres qui me tombent des mains, je sais maintenant ce que je n’aime pas lire, donc ce que je ne lirai pas.

Depuis quelques temps les journaux et les émissions télé-mode – les ardissoneries diverses et leurs clones- sont pleins d’articles enthousiastes sur la naissance d’un grand écrivain, enfin ! Une révolution dans la littérature – comme si cette chose existait encore !-. 

Moi, bien à l’abri de tout ça je continue à me repaître de Connelly et de Mankell sans rien demander à personne.

Seulement voilà, j’ai des amis et des parents qui lisent et qui en parlent, on me sert donc le couplet : comment tu peux dire que c’est nul avant d’avoir lu ? Précautionneux, j’avais risqué la lecture de quelques poèmes de MH ; il en avait même attrapé le prix de Flore pour un recueil dont j’ai oublié le nom. Ma consternation fut à la hauteur de mon attente, les platitudes le disputaient aux vers de mirliton et aux provocs faciles. J’avais déjà de quoi argumenter. J’étais loin de me douter que j’avais mangé mon pain blanc.

Sort La possibilité d’une île ; je me dis que si je trouve le titre un peu stupide, c’est que je ne suis pas objectif et qu’il faut peut-être céder aux demandes et dire ce qu’on en  pense. Grand Dieu ! Je me suis fait prêter les deux premiers romans du maître.

Je vais oublier mes humanités et mes facultés d’analyse, je vais simplement réagir et dire ce que j’en pense :

Quel que soit l’écrivain, j’ai besoin d’entrer en résonance avec lui ; MH m’est extrêmement désagréable et ennuyeux à lire, pour tout dire, il m’emmerde ! Ses messages sont écrits à l’encre antipathique !

Je n’aime pas son style à la fois plat et maniéré, la pauvreté de son vocabulaire courant au profit de la cuistrerie de son vocabulaire savant !

Je n’aime pas ses tricheries : il invente sans humour sur des techniques qu’il ignore, il y a un moulinet de pêche totalement invraisemblable dans Extension… Frédéric Dard nous aurait fait marrer avec un appareil improbable, lui c’est pas drôle. Je me souviens de la description admirable du premier révolver arrivé en France au début des Travailleurs de la mer,  pareil pour le passage qui détaille la machine de la mine et son fonctionnement dans Germinal. Relire Hugo et Zola !

Je n’ai pas envie de comprendre ses théories sur l’avenir de l’humanité et sur le clonage. Tous ces passages sont profondément ennuyeux. Les dissertations sur le bouleversement métaphysique et sur la crise ontologique que nous traversons sont fumeuses et, pour moi, au moins, d’une obscurité suspecte : je le soupçonne une fois de plus de parler savamment de choses qu’il ignore.

Je me fous éperdument de son amertume sur la disparition de l’amour et sur la duplicité de l’âme humaine. C’est de la soupe pour Harlequin,  de la réflexion de midinette sinistre sous Prozac.

Il est inacceptable de s’abriter derrière les personnages de ses fictions pour se dédouaner de déclarations sulfureuses : c’est bien MH qui pense que les femmes sont toutes des salopes et que l’islamisme est la plus con et la plus nuisible de toutes les religions – ce qui entre nous pourrait signifier qu’il en est d’intelligentes et d’inoffensives-.

Que ses fonctions organiques le trahissent à 40 ans, je m’en tape.

Chez lui, la chair est vraiment triste et il n’a pas lu tous les livres, sinon il saurait que l’érotisme dans ses plus belles expressions exige de l’imagination, du lexique et une liberté de pensée qui est vraiment subversive – voir Sade ou, par exemple, (Le con d’) Irène, peut-être une des meilleures proses de Louis Aragon. Toutes les scènes des Particules… quidécrivent le sexe sont indignes des pires bouquins de gare, au point d’être refusées par l’éditeur spécialisé de la collection Aphrodite , ce qui se fait de plus nul dans ce domaine. Je trouve dans le Petit Robert un article me qui fait plus d’effet que toutes les tartines mal foutues –sic- de cet ouvrage calamiteux :  Aisselles, n.f.  … » Lorsque Nana levait les bras, on apercevait les poils d’or de ses aisselles » Vous voyez bien qu’il faut lire Zola !

Dernier point : le récit. Quand on vise le Goncourt, il est quand même mieux de prouver qu’on sait raconter une histoire ou au moins qu’on est capable de dépasser le récit en montrant qu’on en possède à fond la technique. Je suis comme La Fontaine, j’aime qu’on me raconte des histoires :

Si Peau d’Ane m’était conté,
            J’y prendrais un plaisir extrême.
Le monde est vieux, dit-on: je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant
.

MH ne sait pas mener un récit, il y a chez lui un manque de maîtrise, de la maladresse, au point où on se désintéresse complètement de ce qui peut arriver à son héros. J’ai relevé de mémoire, vers la fin des Particules… un passage où il dit, en substance : « ils l’ignoraient, mais c’était la dernière fois qu’ils devaient se voir » Voilà de la littérature de patronage !

Maintenant renversons les rôles : je suis un zélateur du prophète MH et je dis que Douton n’a rien compris, qu’il faut prendre tout ça au deuxième degré, que le récit, le style, on s’en moque, que cet écrivain est bien dans son temps, qu’il nous met devant nos vrais problèmes, qu’il nous parle vraiment de ce qui nous intéresse, qu’il décrit précisément la crise de la quarantaine et le mal du siècle.

D’accord, rien à répondre à tout ça. Si on se retrouve dans ces textes, pourquoi pas, chacun ses goûts etc… Rien à dire. Le nombril MH est apparemment plus intéressant que les gamins des banlieues, l’avènement du prince Sarkozy,  les 300 000 cadavres du Libéria en 15 ans, le tsunami et les inondations du Pakistan, le réchauffement de la planète et la multiplication des tempêtes et ouragans du siècle.

Dans le fond je n’ai pas la chance d’aimer Houellebecq.

A.DOUTON                                         Monteils le 25/11/2005

Ben Laden à Alès, Al Quaïda dans le Gard

Pourtant je m’étais bien promis de ne jamais perdre de vue que j’étais dans le Gard.

Mon voyage à Papeete est programmé depuis des mois, j’ai envie d’y aller et on m’y attend, semble-t-il, avec impatience. Il y a une escale aux Zétats Zunis. Notre époque étant ce qu ‘elle est et Bush tel qu’en lui-même l’éternité n’a aucune chance de le changer, nos amis américains ont décidé d’adapter les règles d’attribution de visas de séjour pour visiter leur beau pays. On renforce, on contrôle plus sec, on repère le suspect, on refoule le suppôt et le zélateur.

            Jusqu’à peu, donc naguère, un français jovial et rubicond comme mézigues pouvait fouler le sol où Lafayette s’est illustré, sans nécessiter autre chose qu’un passeport ordinaire. Mais voilà que cela se gâte : jusqu’au 26 octobre 2005, les nouveaux passeports à lecture optique, dits Delphine, suffisaient pour descendre sur le tarmac sacré. Depuis il faut, soit un passeport biométrique, soit un visa. L’ambiguïté, c’est que les gens qui ont un Delphine délivré avant le 26/10/2005 continuent à jouir de l’exemption de visa ; mon Delphine à moi est plus frais, donc : visa ! Si vous n’avez pas compris, vous relisez lentement, je ne répèterai pas. J’aime ces situations délicates dont seuls les grands prédateurs des steppes modernes se sortent sans difficulté.

            J’ai fait la démarche très à l’avance ; j’ai demandé à la dame de ma mairie de mon village du Gard de demander à la dame de la Préfecture de mon département du Gard si ce passeport du Gard suffirait pour aller aux US ou bien s’il fallait que j’implore un visa. Ouiiii ! Allez-yyyyy  pas de souci, il est boooon, il suffiiiiit, roule Albeeeeert! J’ai bien fait répéter puis j’ai oublié la chose considérant que j’étais en règle pour Uncle Sam. Et ben ouiche ! Point du tout. Mis en alerte par les médias et par Marc, j’ai voulu faire une vérification ultime. J’ai donc surfé comme un diable et j’ai dû me rendre à l’évidence : je l’avais dans le bab’s ! Dans le meilleur des cas, il faut, en allant faire la queue au consulat parisien, plus de trois mois pour avoir le saint seing et je ne suis pas sûr qu’ils ne me prendront pas pour un dangereux séditieux qui s’exporte pour nuire. Auquel cas, c’est écrit sur le site : ils te donnent pas le papelard et ils te rendent pas le fric ! Si tu leur téléphones, ça commence par une ponction de 14€50 sur ta Mastercard, pour qu’ils te disent que le mieux, c’est quand même de se déplacer. Pour une heure à poireauter dans LAX – c’est pas un produit anti-constipation, c’est l’aéroport de Los Angeles – cette chose est bien rude !

            Le plus terrible c’est de lire les conseils de notre ministère dousteux-blasique sur le comportement à adopter avec nos amis yankees : en gros, ne pas être agressif – on comprend !-, ne pas montrer de nervosité suspecte, ce qui me paraît beaucoup plus difficile ; surtout, pas d’humour ni d’ironie à l’égard des mesures prises, là c’est le gnouf assuré ! Et t’as du bol si t’en prends pas plein la gueule ! On a vraiment envie de visiter les States !

            C’est vrai que depuis 2001 ils ont été secoués rudement, mais il me semblait qu’on leur avait montré suffisamment de solidarité et de compassion pour n’être pas soupçonnés de collusion avec les forces du mal ! Je n’ai personnellement aucune tendresse pour les barbus massacreurs de foule et c’est plutôt rageant d’être soupçonné de sympathie à leur égard. Ce qui fait le plus râler, c’est que depuis 96 –attentat d’Oklahoma City- et l’administration Clinton, les américains ne respectent plus guère leurs propres principes sur le vieil Habeas Corpus ! Le Patriot Act, édicté après le 11 septembre 2001, n’a rien arrangé. Lisez ou relisez les derniers livres de Michael Connelly, il pose très bien le problème ; on ne peut pourtant pas le taxer de gauchisme ou d’antiaméricanisme militant.

            Sinon, et pour répartir un peu la charge de la connerie, on ne peut pas dire qu’ils ont pris les autorités françaises et européennes en traître : ils en parlaient depuis 2001, ils ont pris la décision en 2003 et ils avaient fixé le délai à octobre 2004, puis sur demande européenne,  repoussé à octobre 2005 ; ils doivent avoir l’impression qu’on se paie leur calumet, ce qui les rend irascibles. De ce point de vue, et comme d’habitude, les petits français sont à la traîne. Sarko avait donné le marché de la fabrication du précieux document à une société privée, Oberthur, en réponse, le comité d’entreprise de l’Imprimerie nationale a saisi le tribunal administratif de Paris, au motif que la préférence donnée par le ministère de l’intérieur à une entreprise privée dérogeait à la loi du 31 décembre 1993. Celle-ci dispose, en effet, que l’Imprimerie nationale est « seule autorisée à réaliser les documents (…) dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité, et notamment les titres d’identité, passeports, visas (…) ».                                                                                                            D’où le blocage ! En fait il y a une collusion entre la CGT et Nicolas, dit le petit tendu, pour qu’on passe une fois de plus pour des cons !

Sinon tout va bien, je passerai par Tokyo, ce qui me ravit !

Bibi Fricotin

Passage 2005/2006

Attendez ! M’sieur !

            Le 26 décembre, sur la rocade de La Rochelle, il est 9h30, grosso mon dos. Je suis prudent, ça glisse – au pays des merveilles-, et les lendemains de Navidad, ça déchante. J’ai le dernier tube de Polnareff années 70 sur Radio Lombalgie. Maria somnole. Tanit roupille dans le coffre – pour les ceuss qu’ignorent, c’est ma chienne, pas la prêtresse de Carthage-. Mon portable vibresonne. Je me suis fait donner par mon collègue un truc mains libres exprès pour ces cas-là. Tu le branches, tu te le colles dans une étagère à mégots et t’entends comme à la maison. Là, spontané comme une bête, je prends l’engin à peine main, le cordon et l’oreillette pendouillent inutiles car je me le porte à l’esgourde en gueulant Allo ! Un mec qui répond à une de mes annonces et qui a dû me trouver bien grossier de lui raccrocher au museau, car… Tut ! Tut ! Tut ! C’est un fourgon de bourriques qui me hèle, il est à mon niveau, je vois un argousin qui me fait des grands signes furibards et incompréhensibles. Je jette le cellulitaire prestement, arrrgh ! Me voilà fait comme un rat ! Délit flagrant ! Ces mecs me suivent, puis me précèdent, continuent leurs signes initiatiques, s’arrêtent sur un dégagement, je fais comme eux. Immédiatement la chape de culpabilité vexante s’abat sur mes épaules. Maria réagit comme toujours en cas de malheur, elle se marre ! Plus tard elle m’expliquera à quel point elle est ravie de vivre dans un pays où les flics font régner l’ordre et la loi : dans le fond ce qui m’arrive est normal et elle n’est pas loin de penser que c’est bien fait pour ma gueule. Y a des jours où on se sent soutenu.

            Il fait un bon mètre quatre vingt douze, le quintal largement dépassé, rubicond franchi, sanglé-jugulé dans du pur cordura et polyester pleine fleur, d’un côté le Heckler et Koch – pas le bacille, le flingue-, de l’autre la Maglite et les menottes, les gants d’hiver passés à la ceinture, et sur le visage cet air de fausse mansuétude exaspéré qui n’appartient qu’aux flics et aux parents débordés. Je suis dans la peau du criminel lambda qui va se goinfrer un troisième degré. Maria est quasiment fascinée par le guignol harnaché façon GIGN, je la perçois tout entière attentive à la suite de l’histoire et pas tellement sensible à ma détresse. Elle voit arriver avec extase le moment béni où la justice s’applique dans toute sa rigueur. Elle se régale d’être en France !

            « Bonjour monsieur ! Les papiers du véhicule svp ! Vous conduisez en téléphonant, ou l’inverse, vous savez que nia nia nia …!

            « Oui, mais… !

            « Attendez ! M’sieur !…

Là j’adore ! Vous avez remarqué comment par cette seule formule on fait comprendre à l’interlocuteur qu’il est une merde qui comprend rien à l’existence et qui va se ramasser une leçon par quelqu’un de bien supérieur en qualité humaine. C’est pas Meussieu, c’est M’sieur ; l’équivalent actuel de l’ancien Mossieu, beaucoup pratiqué par Raimu et Astérix. Avec la suprême nuance dépréciative et humiliante. Précédé du sublime attendez, qui fait florès depuis des lustres pour dire au voisin qu’il est dans l’erreur grossière et qu’il doit cesser toute argumentation illico ! Pour moi, c’est la forme politiquement correcte pour « Non mais, il va la fermer ce connard ! » Cela permet à quelques représentants de la loi d’insulter le contribuable sans risquer de retour fâcheux.

En fait ce que je n’avais pas compris c’était la circonstance aggravante : j’ai mis le téléphone à mon oreille gauche en le tenant de la main droite ! Ouah hé le con hé ! Un vrai danger public ! Dans le fourgon son collègue m’achève : « Pourquoi avez-vous ralenti, quand on vous a fait signe, au risque de créer un bouchon ? Hein, pourquoi ? » S’il y en a un qui a la réponse à ce genre de question, vite ! vite !

Dernière demande en forme de piège à con : » Vous ne contestez pas ? Alors signez là ! » . Je signe sans rien dire et rejoins mon bout de fer avec la famille à l’intérieur.

Me reste plus qu’à écouter Maria philosopher sur l’excellence de notre système, et sa supériorité sur celui du Brésil ; ça durera une petite centaine de kilomètres d’autoroute.

Sans déconner, sire !

Au risque de me faire des ennemis, je voudrais parler des bonheurs que me donne notre sixième chaîne de télévision.

Je sais, la plupart des émissions sont débiles, les séries américaines ne valent pas plus cher et le créneau du matin est occupé par une bande de jeunes, hilares à tout propos, au crétinisme bon enfant et graveleux et qui sont aussi confondants que leurs aînés. A sept heures du matin, t’as le choix entre ça et William Leymergie, autant dire que tu regrettes vite de n’avoir ni le câble ni la parabole. Bon alors qu’est-ce qu’il y a à sauver sur la 6 ?

Le soir à 20h40 et le matin dans l’émission des petits cons, il y a Kaamelott ! Je suis devenu Kaamelott addict, c’est le seul truc qui me fasse vraiment marrer à la télé. Ces Astier ont une forme d’humour qui me convient tout à fait : parodie intelligente et truculente, anachronismes cocasses et judicieux, et mise en scène de la bêtise qui frise le génie. C’est là que se manifeste le mieux la qualité du comique : la figure de l’abruti y est magnifiée. C’est pour les mêmes raisons que j’aime les frères Cohen, les personnages de Fargo sont presque tous irrécupérables. Ritchie – le réalisateur de Snatch– est de la même veine.

Les deux Astier, père et fils,  Arthur et Léodagan, son beau-père dans la série sont impeccables de bougonnerie et de colère véhémente, vocabulaire volontiers gaillard et imagé, populaire, rarement grossier ; la phrase est très moderne mais pas détestablement jeune ; Perceval et Karadoc, les comparses qui ne comprennent rien à l’histoire ni à l’Histoire, sont étonnants : l’un, Karadoc, est boulimique et trouillard, l’autre est inconscient et capable de lueurs supranaturelles ; par exemple, il peut calculer comme le personnage de Rainman, aussi vite et aussi précisément ; il peut donner le nombre exact de briques qui composent la citadelle de Kaamelott, multiplier des nombres énormes sans se tromper et dans l’instant… Ils ont en plus une vision très réaliste de leur manque de moyens, ils se savent particulièrement stupides et incapables. Petite scène autour de la table ronde, débat animés par le père Blaise et régulés par le roi Arthur. Il s’agit de faire honneur aux chevaliers disparus en rappelant leur mémoire ; manque de pot, personne n’a souvenir d’une disparition, alors pollop pour honorer quiconque ! Brusquement, un des chevaliers : « Mais si, y avait bien le seigneur, euh… comment on l’appelle… Le gros con-là… ? »

Karadoc, démentant aussitôt du ton de l’évidence : « Mais non, j’suis là ! » Grand Dieu que de bonheur !

Le roi pris de remords en pensant qu’il est peut-être dans la mauvaise voie en houspillant Perceval et en le dévalorisant en permanence se risque à une flatterie, le chevalier imbécile ne peut le supporter et s’évanouit aussi sec !

Perceval initiant Karadoc et l’aubergiste au Sirop, un jeu qu’il est seul à comprendre et qu’il explique de façon détaillée et totalement ésotérique : « Bon là c’est la règle simplifiée, la règle complète, ça demanderait plus de temps » !.

Karadoc dit toujours « c’est pas faux ! » quand il ne comprend pas un terme –c’est pas rare !- ; amicalement, il initie Perceval, qui en a fort besoin, à cette stratégie ; ce dernier est en passe de séduire la servante de l’auberge ; câline, elle se livre entièrement à cette oreille complaisante : « Vous savez, il y a des jours, je me sens particulièrement insipide »! L’autre rétorque, l’air important : « c’est pas faux » ! Fin d’une grande idylle !

Et Merlin, l’enchanteur nul et pusillanime, qui fait tout à l’envers et de mauvaise grâce.

Lancelot transi devant une Guenièvre niaise, boulotte et popote, bafouée par un roi qui multiplie les maîtresses et les humiliations ; mais rien n’y fait : elle reste enjouée au point de le rendre cinglé ! Le tavernier dit qu’elle est con comme une chaise !

Il faut le voir, c’est pas racontable. Il y a même des épisodes fort savants, en particulier un passage très documenté sur la musique médiévale avec le père Blaise partisan de la quinte juste et dont les oreilles s’offusquent des variations proposées par le roi et Bohort ; c’est quasiment une leçon de musique avec démonstrations chantées.

            Vive Kaamelott et les pommes de terre frites !

Sinon bonne cuvée à ceux qui me l’ont souhaitée et aux autres !

Le K

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