Le Rouge et le noir- Elisa

Elisa était au comble du malheur. Madame de Rênal avait plaidé sa cause en vain, Julien s’obstinait dans son refus. A quelques réparties de sa maîtresse, elle avait dans son âme simple deviné qu’entre Madame de Rênal et Julien il y avait autre chose que de l’intérêt pour l’éducation des enfants. Il fallait qu’elle prenne l’initiative, qu’elle ait le dessus sur cette grande dame. Elle ne voyait qu’une issue, donner à son amant ce que sa maitresse ne pouvait lui donner ; si elle ne pouvait gagner son cœur que de cette façon, elle était prête à sacrifier son honneur et à risquer sa réputation dans cette démarche. Elisa était une grande lectrice de petits romans et son âme exaltée palpitait en lisant les exploits de ses héroïnes. Elles n’hésitaient pas à s’offrir toutes entières aux appétits brutaux de leurs amants. Mais la jeune fille était loin d’avoir l’expérience de ses modèles. Les rares instants de laisser aller qu’elle avait connus auraient semblé bien innocents aux archétypes de sensualité qui peuplaient ces récits médiocres.

         Cette journée de juillet avait été d’une lourdeur accablante, le lendemain matin le temps ne s’était guère amélioré on sentait venir un orage qui s’attardait dans les lointains. Les bois de chênes semblaient prêts à s’embraser, la rivière paraissait de plomb fondu. Monsieur de Rênal avait décidé de gagner la ville pour rencontrer ses grands électeurs. Pour appuyer sa démarche, il exigea que madame et les enfants l’accompagnassent. Le jour se levait à peine quand la voiture disparut en bas de la pente. Julien était resté au lit pensant traîner un moment dans la touffeur de sa chambre. Il avait profité de sa solitude pour se mettre à l’aise. Le sommeil le surpris nu sur les draps humides, tachés de transpiration.

         Elisa était en chemise et pieds nus. Elle savait que rien ne pourrait déranger ses projets, elle était plus décidée que jamais. Elle n’avait aucune précaution à prendre, la maison était à eux, les autres domestiques ne venaient à l’étage qu’en fin de matinée pour s’occuper au ménage. Le carreau était frais et agréable à arpenter. La porte s’ouvrit sans bruit et elle vit son bien aimé nu et abandonné. Elle eut le souffle coupé. Il était dans l’état matinal fréquent chez les hommes. La tension et le volume de son membre était réellement prodigieux sur un corps presque féminin où la rare pubescence se limitait au bas ventre.

          Ne pouvant détacher ses yeux du spectacle charmant qui s’offrait à elle, elle resta figée un moment, le cœur qui battait la chamade, la respiration suspendue. Elle souleva sa chemise qui passa par-dessus sa chevelure abondante et soignée. Nue à son tour elle enjamba le corps de son futur amant et l’enfonça en elle. Elle n’était plus vierge, à quinze ans le premier valet des Rênal, renvoyé depuis, lui avait ravi son secret sans demander la permission. Julien mit un moment à s’éveiller et à comprendre ce qui se passait : n’oublions pas qu’il n’avait aucune expérience de ces choses-là. Elisa s’agitait consciencieusement et obtint une libération abondante et prématurée. D’un coup de rein le jeune homme se débarrassa de sa cavalière qui s’étala sur la carpette. Hors de lui il commença à l’insulter. Elle sortit en pleurs de la chambre où elle avait cru faire un triomphe et s’assurer un avenir radieux !