Le Rouge et le noir- Louise

Dans la position où il s’était jeté, il oubliait l’inconfort du sol pour ne plus penser qu’à ce qui lui brûlait les mains. Il était en larmes, soit mais pas insensible. Le corps de madame De Rênal était celui d’un jeune garçon qui aurait eu des seins petits mais parfaitement galbés et des fesses plus arrondies sans les fossettes habituelles chez les jeunes mâles. Ses bras qui l’étreignaient au niveau des genoux descendirent rapidement jusqu’aux pieds pour remonter au milieu de son corps, mais sous la chemise cette fois ! A travers la fine et légère satinette ses lèvres pinçaient une toison douce et parfumée qui l’enivrait comme un élixir ou la plus violente des liqueurs. Il mordillait des lombes qui peu à peu s’inondaient et tachaient le tissu, il pétrissait des hanches et des cuisses, écartant les demi-lunes pour insérer un doigt dans l’intimité moussue qui s’offrait dans un spasme comme pour aspirer l’annulaire indiscipliné.

         Il se releva en faisant glisser la fine soierie par-dessus la chevelure dénouée de son amante. Elle était nue, splendide et posant pour lui comme le modèle amoureux du peintre. Et puis lentement elle se mit au niveau de sa taille et fit glisser le petit vêtement de nuit qui cachait la virilité turgescente de Julien. Délicatement elle saisit l’objet de son adoration d’une main hésitante. Elle se sentit pleine de cette vigueur et ayant de son autre main passé pour un frôlement sur ses bourses veloutées en continuant entre ses fesses pour lui rendre la caresse indiscrète qu’il lui avait infligée elle prit dans sa bouche sa tumescence au bord de l’éclatement. Julien dont l’expérience aux joutes amoureuses était toute récente ne put se retenir et déversa un jet puissant dans la gorge de sa complice.

         Il serait juste de dire que cette première expérience était tout à fait inédite pour les deux amants. Julien n’avait de sa vie sensuelle qu’expérimenté des à-côtés qui ne l’avait guère séduit. Il avait dès son plus jeune âge découvert avec curiosité le mécanisme du plaisir quand un des gamins de la ferme l’avait masturbé jusqu’au plus sec des orgasmes. Il se passa des services de son premier partenaire et découvrit seul l’éjaculation. Par la suite il n’avait recours à ces pratiques que les matins glorieux où il se réveillait avec une demande insistante de ses sens avides et exigeants. De très rares fois, assistant au spectacle passionnant d’une beauté qui se dénudait, jeunes filles au bord du ruisseau se croyant seules ou servante sur le point de procéder à sa toilette, par exemple, il s’était donné de la joie en maculant ses hauts de chausses. Et puis cet épisode peu glorieux où il avait été contraint de succomber à la volonté d’Elisa, souvenir amer d’une première expérience forcément décevante car non voulue.

         Louise de Rênal avait fait un mariage de raison, elle ne connaissait pas son mari, déjà vieux et physiquement usé, mais riche, un beau parti. Elle ne connaissait rien à la vie et encore moins à l’amour, elle n’avait jamais lu de roman et sa naïveté la poussait à faire tout ce que voulait son mari après avoir obéi en tout à son père. Sa nuit de noce fut un vrai cauchemar, l’édile la pris sans précaution et elle dut s’aliter pendant plusieurs jours avant que la douleur déserte son ventre. Dès qu’elle alla mieux il la pénétra encore plus violemment que la première fois et là sa convalescence dura presque un mois. De saignements en hémorragies, elle finit par tomber enceinte et son mari lui laissa un répit complet jusqu’à son retour de couche. Par la suite il s’appliqua à l’enceinter et à la laisser tranquille pendant toute la gestation. Après sa troisième grossesse, monsieur de Rênal n’approcha plus de la couche de son épouse. Il était le mari d’une femme ravissante et il avait arrêté de la regarder. Très satisfaite de sa situation de mère, elle n’avait jamais pensé aimer quelqu’un plus que ses enfants. Julien avait fait irruption dans sa vie et elle découvrait l’amour sans en connaître le solfège ! Ils s’apprirent toutes les subtilités et explorèrent ensemble tous les rouages les plus subtils du jeu avec les corps du badinage à la luxure la plus débridée. Ne connaissant rien au départ ils ne connurent aucun frein à leur imagination et ils se vautrèrent dans la concupiscence avec une innocence et une ingénuité qui les comblèrent pendant des mois.

         Ils découvraient tout avec surprise et ravissement, Julien était devenu un expert en caresses labiales et se livra aux joies du cunnilingus et aux pratiques anales. Louise ayant gouté aux pénétrations par la voie interdite, ils ne passaient pas une séance sans recourir aux délices de la sodomie, elle avait fait fabriquer sous un prétexte quelconque une sorte de pénis en bois avec lequel elle donnait à Julien le même plaisir qu’elle en recevait de sa part. En peu de temps cette naïve péronnelle était devenue, sans s’en apercevoir, plus inventive et débauchée que la dernière des catins de la zone. Ils passaient des heures à se satisfaire et arrivaient régulièrement à jouir trois ou quatre fois dans la nuit. Ils maigrissaient mais leur goût de la vie était si évident qu’en dehors de Monsieur de Rênal, chacun dans la maison comprenait que les deux tourtereaux étaient en affaire intime !