Le Rouge et le noir- Mathilde

Cette grande poupée blonde qui lui marquait le plus profond mépris, prenait un plaisir immense à le voir souffrir mille morts de son indifférence. Elle n’avait jamais aimé ni désiré quiconque et les petits jeunes gens de haute noblesse qui lui faisaient une cour pressante, monsieur de Croisenois en tête, n’avais rien obtenu d’elle que sarcasmes et rebuffades. En fait elle s’amusait avec Julien qu’elle trouvait malgré tout plein de grâce et de qualités morales : il lui fallait séduire ce petit paysan trop fier, le réduire et le piétiner jusqu’à ce qu’il demande merci ! Le lecteur comprendra que Julien fasciné par ce visage plein d’une beauté royale et dont les yeux étaient à se perdre, négligeait sottement la splendeur de son corps. Il la trouvait pâle et imposante et ne sentait s’éveiller son désir qu’au spectacle de quelques éclairs de chair découverts par un mouvement qui avait dérangé son fichu. Quand lors du premier assaut il se glissa en elle presque machinalement et se répandit sans même avoir pris le temps de la déshabiller, il fut dépité de ne rien ressentir que froideur et indifférence. Lors de cette première nuit Mathilde qui avait tout donné en oubliant sa résolution de briser ce petit intrigant, se trouva surprise par la volupté d’être envahie par le membre de Julien qu’elle trouva fort à son goût. Pour la première fois elle voyait et touchait cet objet dont elle n’avait connaissance que par ses rares moments d’intimité avec Norbert qui s’exhibait volontiers devant sa sœur. Il faisait cela pour la choquer et ne réussissait qu’à la mettre en colère. Par comparaison Julien lui paraissait bien mieux doté que son frère et elle eut comme premier réflexe de saisir cet objet qui l’émut par sa douceur et sa force et elle eut un plaisir inouï à le forcer dans son ventre, la déchirure même lui parut le comble de la félicité. Elle se trouvait prise à son propre piège et sentit le danger de cette réaction.

         Dès le deuxième tête-à-tête les choses avaient changé. Julien était avide de vérifier sur la jeune femme les pratiques délectables qu’il avait partagées avec Louise. Ce qui le rendait fou, c’est la comparaison qu’il faisait des deux corps qui s’offraient à lui. Autant madame de Rênal donnait une impression de fragilité gracile, avec un corps d’adolescent à peine pubère et androgyne ; un mont de Vénus à la toison rase et bien ordonnée ; des seins fermes mais petits, vraie poitrine de jeune fille et une délicatesse de peau dans laquelle les doigts se perdaient de douceur. Autant Mathilde montrait la carnation la plus blanche et épanouie avec un buste lourd et triomphant aux aréoles larges et rosées ; presqu’aussi grande que Julien elle avait des jambes de danseuses que surmontait une pubescence dorée qui ornait aussi ses aisselles ; mais vraiment ce qu’il y avait d’admirable dans ces formes parfaites, dans la générosité de cette chair rayonnante, c’était le plus magnifique fondement que les dieux aient pu créer pour l’admiration des hommes. En découvrant ce trésor, Julien tomba à genoux pour la plus sainte communion qui lui fut offerte. Il pétrissait ces lombes, le visage prisonnier de l’espace étroit et délicatement velu où sa langue se frayait un passage en force dans l’adorable plissement qu’il découvrait en écartant au maximum ces merveilles. Mathilde crut mourir mille fois quand la bouche de son amant parcourait son ventre de l’aine à l’entrée de ce bijou nacré qui ornait le bas de son corps dans une perfection symétrique. Elle avait la chance de montrer un sexe parfait dans l’arrondi de ses lèvres qui s’adaptait comme un miracle à celles de Julien. Il pouvait passer des heures à fouiller de sa bouche toutes les parties les plus secrètes de ces formes qu’il idolâtrait. Ce n’est qu’après ces interminables préliminaires qu’il la prenait violemment en se répandant dans ses entrailles, pendant qu’elle s’évertuait à masquer les cris de sa jouissance en se mordant les mains. Cent fois ils crurent avoir éveillé toute la maison au son de leur petite mort…

         …Mathilde suivit son amant jusqu’au tombeau qu’il s’était choisi. Un grand nombre de prêtres escortaient la bière et, à l’insu de tous, seule dans
sa voiture drapée, elle porta sur ses genoux la tête de l’homme qu’elle avait tant aimé. Elle était aux derniers temps de sa gravidité et elle eut bien du mal à dénuder le bas de son corps. De même quand elle appliqua la bouche de son amant contre son sexe, elle dû faire basculer sa tête tant son ventre repoussait le front ; elle reconnut dans ce dernier baiser glacé les lèvres tant aimées et pour la dernière fois elle jouit longuement en gémissant ; ce que les accompagnants prenaient pour des pleurs étaient les ultimes bonheurs d’une âme offrant sa joie à l’être aimé.