J’ai pensé tout d’abord que c’était Mic qui l’avait recruté ; pas du tout, il s’était simplement présenté comme simple soldat, introduit par un des lieutenants historiques qui connaissait son père, lequel s’était illustré dans la milice avant de succomber à ce putain de virus. Grand et costaud, dégingandé avec style, il se donnait des airs sympathiques et détendus en permanence. Tout de suite il s’est montré courageux et endurant, ne se plaignant jamais et se proposant systématiquement pour les corvées les plus pénibles. Une intelligence évidente et des habitudes de prudence qui détonnait chez nos camarades plutôt casse-cous. Ce mec était parfait ! Il séduisait tout le monde. Je m’en suis méfié d’entrée. C’était pourtant bizarre, il avait tendance à me coller aux basques et semblait désireux en permanence de me rendre service ! Dans les engagements qui suivirent son arrivée, il se montra plus que précieux et à plusieurs reprises il sortit de la merde quelques-uns de nos camarades, y compris Mic et moi-même.

Nous étions en pleine action et les pauvres salopards d’en face, les Défroqués d’Arpajon, passaient un mauvais moment, la plupart étaient par terre plus ou moins troués et ça gémissait et gueulait à qui mieux mieux ! On avait envahi leur camp et on s’efforçait d’en laisser le moins possible debout. Leur vieux couvent était en flammes et ceux qui étaient restés à l’intérieur pour s’abriter de nos rafales commençaient à avoir bien chaud au cul. On les tirait comme des lapins sortis de garenne et beaucoup étaient à moitié cramés quand ils prenaient nos pruneaux dans le museau ! En pleine bagarre on avait eu le temps d’ouvrir les grilles qui fermaient les geôles creusées dans le sol pour laisser sortir les gamins en loques que ces putains de moines utilisaient pour leur plaisir, perpétuant ainsi la grande tradition de l’église qui pour sauver les jeunes enfants pratiquait la sodomie purificatrice ! Enculez-les ils seront sauvés ! Ce qu’il y avait de réjouissant pour nos âmes avides de vengeance c’était de voir ces petits mômes achever les blessés aux bâtons et aux cailloux, ou entourer un misérable à cours de munitions et lui passer une avoinée jusqu’à ce que mort s’en suive ! Un vrai régal ! La bataille avait ralenti, on n’entendait que de loin en loin les coups de fusils ou de pétards, on percevait de moins en moins les gémissements des tonsurés, lapidés ou bastonnés à outrance. Les petits ayant achevés un maximum de ces chiens putrides commençaient à les dévêtir pour leur piquer les frusques récupérables et protéger leurs corps martyrisés.

Une fois de plus nous péchions par excès de confiance, on croyait en avoir fini avec ces vilains moines et que la victoire était déjà acquise. J’étais donc avec Mic quand il lui prit la fantaisie d’investir une petite baraque construite dans le roc et qu’il pensait recéler des choses intéressantes pour nous, genre armes ou matos utile difficile à trouver. On ne pouvait pas balancer des grenades avant d’entrer de peur d’abîmer le matos hypothétique ou de faire péter une éventuelle poudrière. Donc après avoir ouvert la porte à coup de lattes, on se mit à tirer un peu au hasard pour écarter les importuns. Rien dans la cabane. Au fond une ouverture, on se n’attendait pas à ça, l’entrée d’un boyau qui s’enfonçait dans le roc ; on pénétra avec prudence en entendant des voix et des bruits de course à peu de distance ; on eut juste le temps de se mettre à l’abri d’un vol de bastos qui nous cloua dans un renfoncement. Bravo les mecs vous êtes coincés ! Pas moyen d’avancer ni de reculer ! C’est là que Marshall est intervenu, un coup de génie ! Déjà il avait pigé précisément ce qui se passait devant lui : on était dans un creux du rocher, bien à l’abri mais sous le feu de l’ennemi si on sortait le museau. Les malandrins étaient protégés par un tournant du tunnel et n’avaient qu’à passer le nez pour nous canarder s’il nous prenait l’envie de sortir de la cache. On voyait distinctement vers l’arrière, Marshall était, lui, protégé par un léger virage ; on pouvait échanger sans risque et on a pigé tout de suite ce que ce rusé compagnon avait dans l’idée quand il s’est mis à faire avancer sur le sol un tuyau dont le bec noirci portait les stigmates de son usage habituel. Le bout du tuyau nous dépassa de quelques centimètres suffisamment pour apparaître aux yeux des copains d’en face qui se mirent désespérément à le mitrailler. On a tous compris en même temps et quand Marshall déclencha le lance flamme on s’est reculé un max puis on a plongé pour sortir de ce piège à rats : un roulé boulé et on était dehors. Il était temps car l’engin poursuivant son œuvre une explosion mahousse, la montagne éventrée à l’arrière de la cabane. On a mis une heure pour récupérer nos esgourdes mais la secousse avait signé la fin du conflit.