Il fallait en finir ! Nous étions très avancés dans nos actions, le but ultime était de prendre le pouvoir dans toute la zone que nous envisagions de coloniser. Dans l’immédiat chacun d’entre nous était riche d’un certain nombre de choses : des terres, des maisons, des véhicules, des produits de la ferme : grain, volailles, troupeaux de chèvres, moutons, bovins… Les moins dotés pouvaient se louer contre des droits d’habitation, des dons de matériaux et de vivres. Tout ça tournait à peu près rond et les rares bisbilles étaient réglées au mieux par des juges de la terre, élus et rémunérés en nature. Ils étaient secondés par des clercs qui se chargeaient de la rédaction des actes entre particuliers et pouvaient discuter des cas avec les avoués dédiés ; on allait rarement aux procès qui aboutissaient la plupart du temps à des culs de sacs légaux ! Que faire avec le coupable (de quoi ?) et que faire avec la victime (de quoi ?). Pour autant des arrangements boiteux étaient facilement acceptés par tout le monde. En attendant, les conneries de Marshall nous mettaient dans la situation où nous devions passer notre temps à nous bagarrer au lieu de faire fructifier nos biens. Pour que nous puissions organiser quelque chose de solide et qui marche, il fallait deux choses : Toute la zone sur laquelle il s’agitait devait nous revenir et nous devions clarifier nos rapports avec la milice qui restait la force principale du pays. On ne pouvait pas se payer le luxe d’un conflit avec la milice qui nous aurait balayés au premier affrontement. Nous prenions bien soin de combler en nature tous les besoins de la troupe, si les hommes et les femmes de la base vivaient (bien) en caserne, tout l’encadrement était réparti dans des maisons individuelles réquisitionnées après la disparition intégrale de certaines familles. Le préfet Arnaud était logé dans une splendide résidence de fonction et nonobstant le fait qu’il était encore solide, il avait prévu sa retraite en faisant entretenir un ranch par des équipes qui se relayaient et qui géraient un troupeau de Texas Longhorn immense et des hectares de céréales diverses, blé, orge, colza…

         Donc, premier point se débarrasser de Marshall. Je voyais mal comment éviter une grande bataille entre nos deux phalanges. J’étais à peu près sûr que nous aurions le dessus, à la régulière ! Tout aussi sûr que Marshall allait éviter par tous les moyens de jouer notre jeu ! Il préparait sûrement quelque chose en douce pour essayer de nous baiser à l’irrégulière ! J’étais chez moi à gamberger quand je reçus une visite tout à fait inattendue : le préfet Arnaud en personne. Il était en compagnie de Mic qu’il était allé cueillir chez lui pendant sa sieste d’ivrogne. Pas rasé et peu gaillard mon camarade faisait franchement la gueule ! Arnaud me serra la main en sympathie, il n’avait pas oublié les rapports qui l’avaient uni à la famille.

  1. Les gars, faut qu’on cause… J’ai eu la visite de votre ami Marshall qui m’a demandé d’intercéder en sa faveur…

M- Qu’est-ce c’est c’te merde ? On ne va pas discuter de ce mec avec vous, on va se le faire et c’est tout !

  1. Attends un peu que je t’explique, moi la paix ça m’intéresse !
  2. De quoi de quoi …

Moi- Laisse parler le chef tu gueuleras après si tu veux pour l’instant j’aimerais savoir ce qui se joue

  1. Il m’a demandé ma protection, il veut signer la paix entre vous et demande vos conditions. Si vous n’êtes pas d’accord il propose un jugement de Dieu à l’ancienne ; avec Mic ou avec toi…

On s’est regardés la bouche ouverte, on n’en revenait pas ! C’était plus que malin : il avait l’aval de la milice, il pouvait éviter une guerre qu’il était sûr de perdre et en nous défiant, il comptait sur sa supériorité physique pour nous péter la gueule ! Sans parler de Mic plutôt frêle, moi j’étais costaud, un peu court mais très robuste ; cependant l’autre avait le double de mon âge avec l’expérience et l’entraînement qui vont de pair et il devait bien me rendre une vingtaine de kilos tout en muscles. Je promis au préfet de réfléchir à la chose on lui donnerait une réponse le lendemain ; Il s’est tiré, l’air satisfait ! Y avait de quoi, pour lui aussi les conneries de Marshall étaient avantageuses : si le salopard prenait l’avantage, Mic ou moi débarrassions le plancher, si au contraire nous sortions vainqueurs de l’épreuve, il y avait des chances pour que nous calmions le jeu et que nous songions à faire plutôt la paix avec le reste de la population. A part nous tout le monde pouvait gagner quelque chose à cette loterie à la con !