1. Ces demoiselles poireautent 

         Elles sont parties confiantes, sûres du résultat. Chargées de cadeaux pour les mémères toujours sensibles à la manière. Nati et Jos présidaient une sorte délégation soi-disant destinée à lier connaissance et à partager les expériences de la sororité : vivre entre femmes, on connaissait des deux côtés. Les disparitions ne seraient pas évoquées, on attendrait en espérant voir se tendre la perche. Forcément le sujet serait mis sur le tapis, tôt ou tard ; pour l’instant on était bien installés et pas pressés de reprendre notre Odyssée. Cet intermède arrivait bien pour nous assurer un séjour confortable et joyeux ; Mic s’envoyait en l’air comme jamais, greluches et greluchons peuplaient ses nuits et ses siestes de délices suaves et baveuses, j’ai cru un moment qu’il allait s’installer définitif ! Il s’était entiché d’un bardache aux yeux de fille qui ne le quittait plus et qui faisait l’objet de moqueries de la part de ses collègues plutôt axés sur les nanas, très machos et coureurs d’amazones ; les nôtres en profitaient largement. Tous ces braves gens étaient tellement occupés à baiser que je ne m’étonnais guère que la pseudo- enquête sur les gamines disparues soit partie en eau de boudin. J’avais décidé de mettre un peu d’ordre là-dedans et me donnais un délai raisonnable pour retrouver les traces des disparues, après quoi nous pourrions reprendre la route.

         Nati sans Jos, me fit dès son retour un rapport circonstancié illustré par le film qu’elles avaient ramené de leur mission délicate. Tout d’abord elles ont été reçues par quelques dames patronnesses qui les firent s’asseoir sous le grand porche qui garde l’entrée d’un palais à moitié enterré. Des tables en pierre et des bancs de même nature. Leur sorte de thé très fort et capiteux fut servi avec des galettes de sorgho au miel. Et puis poireaute que je te poireaute. Une bonne demi-heure ! Plantées sur leur banc elles ont vu défiler de temps à autre quelques pies curieuses qui se contentaient de les observer et repartaient sans un mot. Voilà qui commençait à bien faire ! Nati et Jos n’étaient guère patientes et pas mûres pour croquer le marmot trop longtemps ! Comme moi elles avaient remarqué que nos hôtes n’élevaient jamais la voix et supportaient mal les décibels que nous distribuions avec libéralité. Elles se levèrent et se mirent donc à hurler mais putain on ne va pas passer la nuit- là ! Si on n’est pas reçues on se casse ! merde à la fin !!!! la grande porte s’ouvrit pour livrer passage à une femme immense, plus de deux mètres, et simplement couverte d’un tulle zéphyr transparent ! Plus qu’à poil ! Une apparition que nos hôtes en voyant le film commentèrent comme d’habitude en parlant tous à la fois. Ils pensaient qu’elle avait été emportée par le virus, ils ne la voyaient plus depuis des années. En fait elle avait à peine passé la trentaine et ne participait plus à la reproduction. L’effet qu’elle faisait sur la pellicule était déjà saisissant, qu’est-ce que ce devait être en réel ? Elle était magnifique, diaboliquement belle : des seins gigantesques et dressés comme à la parade et sous son ventre délicatement bombé une forêt drue, sombre et superbe en haut de cannes interminables. J’avais vu tout Fellini, là j’étais dedans ! Je la voulais de près, pour moi seul, en vrai ! Derrière elle venaient deux suivantes qui portaient le même accoutrement et tenaient dans leurs mains de quoi vêtir nos petites camarades à la mode du moment. Tout le monde à poil et en tulle ! Bonjour les caméras dans les soutifs au moment le plus saignant du film ! Merde !

         Nati continua son récit et m’expliqua pourquoi elle était revenue sans Jos.

La géante, lente, majestueuse sans lourdeur, semblait très intéressée par ces femmes étrangères et au caractère de chiennes, capables de hurler et d’exiger, et d’une beauté sauvage et rare qui dénotait avec la candeur virginale de ses petites sœurs ! Elles arrivèrent dans une sorte de vaste boudoir avec des lits immenses jonchés de coussins multicolores, des tablettes en pierre translucide sur lesquelles brûlaient dans des sortes de cassolettes des huiles aux fragrances entêtantes ; partout des lumignons en peau de reptile ajourée qui laissaient filtrer une lueur bizarre, lunaire. Super baisodrome, on ne pouvait s’y tromper ! Leur exubérante cicérone s’allongea sur le lit le plus proche en attirant à elle la première de nos filles qui lui tomba sous la main ; nues, elles se collèrent si bien qu’on n’aurait pu voir les détails de ces corps qui disparaissaient l’un dans l’autre et attirèrent d’autres corps qui s’abouchèrent à leur tour aux creux et aux renflements offerts à l’envie pour des lèvres avides et des sexes amoureusement impatients ! Ce que Nati me raconta alors relève de l’indicible ! Jamais elle n’avait ressenti plus forte attirance pour une femme ! Elle avait déjà eu des rapports avec ses sœurs mais n’y avait trouvé qu’amusement et bluette. Elle aimait surtout avoir affaire à des turgescences viriles, des pénétrations hardies et conquérantes et adorait sentir enfin disparaitre le bonhomme dans l’acmé du plaisir partagé jusqu’aux flaccidités satisfaites. Là c’était profusion de lèvres, anulinctus et langues impatientes, mordillements enflammés de mamelons érigés, délicieux étouffements réprimés et râles de désir cueillis à pleins museaux. On suçait, grignotait, aspirait et buvait à toute source, ouverture ou interstice ! On palpait, pétrissait, maniait et branlait du creux du doux ou des raideurs subites ! Et surtout on jouissait sans pouvoir arrêter les flux de convoitise et les bouillonnements de la concupiscence ! A la fin (y en a toujours une) on leur donna des fruits et des boissons épicées et elles se réveillèrent sur le parvis du bâtiment, qui, porte close, offrait le spectacle rébarbatif des lieux de rétention.

          Mais Jos n’était plus avec elles. On l’avait vue continuer à s’agiter avec la géante qui mugissait doucement aux assauts de notre amie qu’elle faisait mine de dévorer par le ventre, tête bêche elles se taillaient un plaisir sur mesure et paraissant inédit pour les deux partenaires. Ne restait plus qu’un vague souvenir de ces ébats qui durèrent au moins autant que la petite collation qu’on leur avait offerte. Mais Nati était incapable de dire si notre amazone était restée de son plein gré ou si elle était retenue contre. Pour le reste aucune nouvelle des introuvables même si nous étions nombreux à penser que la clé de l’affaire était là, dans ce bâtiment ou ses environs. Il allait falloir aviser et pour ma part j’étais résolu à employer les moyens les plus extrêmes pour libérer les donzelles. Il fallait tirer Mic du coaltar dans lequel il s’était enlisé et agir enfin, même avec violence. L’ambiance douce et sucrée des lieux commençait à me courir sérieux et je me sentais prêt à tous les excès.