Ce texte, il ne le lira pas, trop modeste pour recevoir un compliment quelconque, je ne vais donc pas lui infliger cette épreuve                                                                                               Il est arrivé en Polynésie il y a quarante ans, hippie ! Son ambition : vivre sans travailler, élevage, culture, cueillette, va savoir… Aujourd’hui il vivote, endetté et accablé par un boulot de merde : il tient avec une désinvolture bougonne la seule station-service de l’île de Tubuaï, Australes. Une fois de plus je dois rendre à César, ce qui appartient à César et à Michel Fischer ce qui lui revient. Dès le début il a su éveiller ma curiosité pour ce personnage indéfinissable et pas facile à approcher. Lawrence Miller travaille quelques heures par jours seulement, mais cela lui coûte : il ouvre le bureau le matin de bonne heure, là, il s’efforce de mettre de l’ordre dans la comptabilité la plus merdique qui soit et il occupe le créneau 16h/18h quand il tient jusque-là et qu’il n’est pas en rupture de stock ; en fait la station fonctionne surtout grâce à Mira qui sert les clients avec compétence et grand souci de justice : avec elle tous sont égaux face à la pénurie ! Entre temps il est entièrement mobilisé par ses spécialités. Car c’est un spécialiste reconnu dans certains domaines : la météo d’abord, il est paraît-il incollable sur les cyclones, on peut dire qu’il est bien placé pour cela ! La préhistoire polynésienne, vous ne le prendrez pas en défaut sur les herminettes et les hameçons en arêtes ! L’ampélographie, il a planté différents cépages dans un petit champ qu’il possède sur la route traversière et il a acheté un traité du 19ème siècle en une dizaine de volumes plus joufflus que les tomes de la vieille encyclopédie Larousse et qu’il prétend avoir lu intégralement. Moi, je le crois. Enfin il est internationalement reconnu comme un des experts qui font autorité sur la reliure du XVIème au XVIIIème siècle français. J’ai vu sa correspondance avec quelques furieux de tous les continents et j’ai surtout pu tenir en main des choses étonnantes : un couvre livre gravé aux armes de François Ier, des traités d’anatomie dorés à l’or fin et enluminés à la main ! Plein de trucs tous plus curieux les uns que les autres car il se moque du contenu si la reliure est belle et authentique. Ce qui ne l’empêche pas de lire parfois ces ouvrages surtout les bizarres ! Il achète la plupart du temps sur e-bay, ça vous en bouche une surface ça ! Peintre, rocker, photographe, équipier sur voilier autour du monde, chauffeur de maître, astrologue, implementologue( !)- je crois que c’est un expert dans l’étude des outils et ustensiles de la Polynésie ancienne-, versé dans tous les onirismes et les obscurantismes possibles. Il aime les vieilles américaines, il a deux Pontiac des années soixante, une maman presque centenaire et riche qui vit à Toronto où il séjourne de temps à autre pour recharger son compte en banque en faisant le taxi ! Mais si !                                                             

Le plus difficile c’est d’entrer en relation avec lui, il est extrêmement soucieux de son indépendance et n’approche pas qui veut de ses tanières. Il semble très réservé quant aux popaas qui vivent sur l’île et ne cherche jamais le contact. En fait c’est le Hold’em qui nous a réuni. C’est un vieux joueur de poker fermé, comme moi, et s’il était très réticent au début à l’idée de se convertir à la religion actuelle, comme moi, il  s’y est mis, et avec  bonheur par la suite. A la fois classique et agressif, il est souvent déçu par des bad bits assez fréquents ; c’est à la table un compagnon courtois et plein d’humour, connu pour son expression favorite quand il est relancé, battu ou qu’il a révélé un bluff bien mené : Crazy guy ! Depuis mon départ il a abandonné le poker, se refusant de jouer avec certaines personnes : Still no poker, can’t play with poker with guys like the doctor, life is too short. Nous nous sommes beaucoup fréquentés à la fin de mon séjour à TubuaÏ ; il a eu la gentillesse, lors de la visite de Marie, de nous guider sur les lieux où l’on ramasse les herminettes ; il m’a fait en cadeau de départ l’offre d’un spécimen très rare et poli avec une finesse particulièrement délicate. J’avais mes entrées à la station et chez lui, il venait régulièrement à la maison,  j’en ai largement profité, tant était grand le plaisir que nous avions à deviser et à échanger des propos désabusés et rigolos sur la vie et les femmes ! A présent il s’est lancé dans un trip interminable sur Second Life, où il a deux avatars, un mâle, sans grand intérêt et une femme magnifique et sexy qui lui fait rencontrer une multitude d’autres femmes, virtuelles ou réelles ! Suite à mon dernier message, il a livré une réflexion flatteuse pour moi : ps Google has trouble translating your wonderfully articulate French

 Crazy guy !

 son site:        http://www.insidemystery.org/about.html